«…Edifice inutile et irremplaçable, témoin d’un siècle et monument toujours neuf, objet inimitable sans cesse reproduit, monde familier et symbole héroïque, signe pur, métaphore sans frein…»
André Martin
Conçue et construite à la fin du XIX-ième siècle comme une colossale attraction de foire, la Tour Eiffel a été le symbole du progrès technologique, celui de la puissance de la nation française, celui de la modernité et de l’avant-garde pour devenir enfin «le signe aimé de Paris» qui reçoit chaque année des millions de visiteurs venus de tous les coins du globe.
C’est presque impossible de l’imaginer aujourd’hui, mais l’aspect si familier de la plus importante tour de l’Hexagone et même son nom pourraient être tout à fait autres. Et que diriez-vous s’il n’y avait aucune tour sur le Champ de Mars à Paris? Vous trouvez cette hypothèse absolument incroyable et même absurde. Cependant cela pourrait être bien réel, si l’ingénieur et l’entrepreneur de talent Gustave Eiffel n’avait pas été tellement ingénieux et inflexible..
En effet, l’idée de la construction d’une tour de très grande hauteur pour l’Exposition universelle de 1889 n’a pas surgi tout à coup. «Depuis quelques années elle remuait obscurément dans les cerveaux des ingénieurs, cherchant à naître».
Dès 1884, deux ingénieurs de l’entreprise Eiffel, Nouguier et Koechlin (secondés par l’architecte Stephen Sauvestre), élaboraient le projet «d’une tour très haute». Le projet achevé, Eiffel l’a racheté à ses collaborateurs avec «la propriété exclusive du brevet» et proposé à la commission de l’Exposition universelle.
Mais le projet de la maison Eiffel n’était pas unique. Ainsi, l’architecte Jules Bourdais, auteur du palais du Trocadéro (1878), proposait lui-aussi le projet d’une tour de trois cents mètres «surmontée d’un foyer électrique pour l’éclairage de Paris». Ce projet permettrait également l’installation d’un véritable hôpital pour un traitement «aéro-thérapique» dans les derniers étages. Face à tant de vertus utilitaires, scientifiques et médicales, la proposition avancée par Gustave Eiffel paraissait à la fois plus symbolique et triviale. Eiffel s’est lancé alors dans les «formalités d’usage». Au printemps 1885, il a établi un premier devis estimant le coût de l’ouvrage à 3 155 000 francs (on allait dépenser, en réalité, deux fois et demie ce prix) pour un poids de quatre mille huit cent dix tonnes (la Tour en pèse sept mille trois cents). Eiffel affirmait que le montage n’exigerait pas plus d’une année (il a nécessité vingt-six mois). Il a prononcé ensuite un long plaidoyer devant la société des ingénieurs civils où il insistait sur l’utilité scientifique de son monument, la météorologie et la télégraphie optique notamment. Il a dit aussi que son ouvrage symboliserait «non seulement l’art de l’Ingénieur moderne, mais aussi le siècle de l’Industrie et de la Science dans lequel nous vivons, et dont les voies ont été préparées par le grand mouvement scientifique de la fin du XVIIIe siècle et par la Révolution de 1789, à laquelle ce monument serait élevé comme un témoignage de la reconnaissance de la France».
De toute façon, au mois de juin 1886, le projet Eiffel, qui seul offrait un «caractère déterminé» et apparaissait «comme un chef-d’œuvre original d’industrie métallique», a été définitivement adopté.
Achevée après deux ans de travaux, le 31 mars 1889, la Tour se voyait comme un triomphe de l’art des ingénieurs. Mais l’opinion publique à son égard n’était pas tout à fait unanime.
D’une part l’ouvrage provoquait une véritable frénésie populaire que la maison Eiffel avait su obtenir avant même la fin des travaux. Du printemps 1886 à l’inauguration trois ans plus tard, brochures, articles, reproductions diverses se multiplient au point de lasser quelque peu l’observateur le plus bienveillant. 953 122 visiteurs du 15 mai au 6 novembre 1889. Une sorte d’Eiffelomania s’est éclatée: assiettes, boîtes de camembert, bouteilles, bougeoirs, foulards, broches, truelles, lampes, papiers peints, cartes postales, porte-clés, sucettes et plumes portaient l’image de la Tour.
D’autre part la polémique qui a été ouverte le 14 février 1887 (les travaux avaient à peine commencé) par la fameuse «protestation des artistes» signée par quelques grands noms du monde des lettres et des arts: Charles Gounod, Guy de Maupassant, Alexandre Dumas fils, Leconte de Lisle, et d’autres.
D’autres pamphlétaires renchérissaient sur cette violente diatribe, et les injures fusaient: «ce lampadaire véritablement tragique», «ce squelette de beffroi», «squelette disgracieux», «un tuyau d’usine en construction».
La polémique a été déclenchée par le fait qu’à la fin de l’Exposition, la Tour ne serait pas détruite parce qu’à titre de paiement Gustave Eiffel gardait la jouissance de l’exploitation de la Tour pendant l’année de l’Exposition et durant les vingt années qui suivraient. Il faut dire que les débats n’ont fait que raviver l’intérêt du public.
En 1894 le sort de la Tour a été de nouveau vivement débattu. Certains architectes proposaient surcharger la Tour de festons, oriflammes, statues, balcons et arcades ou de la transformer en gigantesque horloge. Les projets étaient tellement incongrus! M. Eiffel étant si ferme, la Tour a été sauvée momentanément pour l’être définitivement au début du XX-ième siècle après, cette fois aussi, des discussions acharnées.
Si la Tour était en 1889 une colossale attraction de foire, dans les années 1920, elle est devenue un symbole de modernité et d’avant-garde, qui inspirait poètes, comme par exemple, Guillaume Apollinaire, cinéastes, photographes.
Les peintres ont précocement fait de la Tour un sujet de prédilection. Georges Seurat l’a peinte en 1888, avant même son achèvement. Par la suite, Henri Rousseau, Signac, Bonnard, Utrillo, Gromaire, Vuillard, Dufy, Chagall ont célébré la Tour. Gauguin vantait la «dentelle gothique en fer». Robert Delaunay lui donnait des facettes cubistes dans toute une série de toiles peintes à partir de 1910. Les artistes contemporains continuent toujours de la prendre pour modèle.
De nos jours, la Tour Eiffel, «l’ultime symbole des temps nouveaux» fortement integré dans le paysage parisien, ne perd rien de sa modernité. Somptueusement ornée de 20 000 flashes scintillants superposés sur l’éclairage doré de 1986, elle a récemment joué le rôle de la majeure attraction lors des célébrations du nouveau millénaire.
Gustave Eiffel
Ingénieur de formation, Eiffel a fondé puis développé son entreprise spécialisée dans les charpentes métalliques, dont la Tour Eiffel marque le couronnement.
Né en 1832 à Dijon, il sort de l’Ecole Centrale des Arts et Manufactures en 1855. Son exceptionnelle carrière de constructeur est jalonnée en 1876 par le viaduc de Porto sur le Douro, puis celui du Garabit en 1884, ainsi que par la gare de Pest en Hongrie, la coupole de l’observatoire de Nice et l’astucieuse structure de la Statue de la Liberté, avant de culminer en 1889 avec la Tour Eiffel. Cette date marque la fin de sa carrière d’entrepreneur.
Eiffel avait accepté en 1887 de construire les écluses du canal de Panama, gigantesque entreprise qui aboutira au plus grand scandale financier du siècle. Après sa retraite consécutive au scandale, Eiffel consacre les trente dernières années de sa vie à une féconde carrière de savant. Il meurt le 27 décembre 1923 à l’âge de 91 ans.
La Tour en chiffres
Chantier:
50 ingénieurs, dessinateurs exécutèrent 5 300 dessins.
100 ouvriers façonnèrent 18 038 pièces en fer.
121 ouvriers travaillèrent sur le chantier.
Pour les fondations, on déblaya 30 973 m3.
On posa 2 500 000 rivets, mais seulement 1 050 846 sur le chantier.
Poids:
La Tour Eiffel est légère, elle n’exerce qu’une pression de 4,5 kg/cm2 sur ses fondations.
Si on place la Tour Eiffel dans un cylindre d’air, son poids ne dépasse pas le poids de l’air du cylindre.
Poids de la charpente métallique: 7 300 tonnes.
Poids total: 10 000 tonnes.
Hauteur:
Mesure 2000 (hauteur avec antenne) : 324,00 m
Jusqu’à la construction en 1930 du Chrysler Building, la Tour Eiffel était le monument le plus haut du monde.
- La Tour était repeinte tous les 7 ans. Il faut 60 tonnes de peinture.
- En 2002, la Tour a reçu 6 157 042 visiteurs.
Résumette
Qui dit Paris, dit la Tour Eiffel. Tout le monde sait que cette tour métallique haute de plus de 300 mètres est le symbole de la capitale française. Ce qui est étonnant c’est que dès le début, elle a été conçue non comme une nouvelle construction fonctionnelle, mais justement pour être un symbole. Grâce au génie de Gustave Eiffel qui d’ailleurs n’a pas été l’auteur du projet en personne, la tour a gagné ses concurrents et obtenu sa place au centre de l’Exposition Universelle de 1889. Malgré de multiples discussions sur la nécessité de transformer ou même de démolir la tour après l’exposition, elle est restée intacte. qu’elle soit aimée ou détestée, la Tour Eiffel continue d’être le monument parisien le plus remarquable et aussi le plus visité.