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Victor Hugo

Victor Hugo

Victor Hugo

Le 26 février 1802, à Besançon, naît Victor Hugo. Son père est devenu général au cours des guerres de la Révolution et de l’Empire. Enfant, il souffre de la mésentente de ses parents. Dès son adolescence, il affirme des ambitions littéraires, et participe à des concours poétiques. Après des études brillantes, il épouse, en 1822, Adèle Foucher, son amie d’enfance, grâce à la pension accordée par le roi à la suite de la parution de son premier recueil poétique — et premier succès public — Odes.

En 1829, avec Les Orientales, il est déjà reconnu comme le chef de file du mouvement romantique. Les milieux officiels l’estiment. Ce révolutionnaire en littérature, qui a reçu la Légion d’honneur, est conservateur en politique. Hernani, en 1830, premier drame romantique joué à la Comédie française, Notre-Dame de Paris, l’année suivante, confirment sa gloire littéraire.

Ce chef de file du romantisme, cet ami d’Alexandre Dumas, de Théophile Gautier ne se contente pas d’écrire. Il participe activement à la vie politique. En 1845, cet Académicien élu à 38 ans, devient pair de France et réclame, lors d’une intervention, le retour, en France, de la famille Bonaparte. Mais le coup d’Etat du 2 décembre 1851 le fait entrer dans l’opposition ouverte au régime. Il doit s’enfuir en Belgique. Il y rédige Les Châtiments (1853) avant de s’installer à Jersey puis à Guernesey.

Hugo se passionne alors pour le spiritisme, écrit (Les Contemplations, Chanson des rues et des Bois, les Misérables, les Travailleurs de la mer, la Légende des siècles) et refuse avec hauteur les amnisties proposées par Napoléon III, qu’il a surnommé, dans ses pamphlets, Napoléon le petit.

Il s’est laissé pousser une barbe blanche de patriarche et s’habille comme un ouvrier. Les Misérables font, en 1862, un triomphe à Paris. Après l’effondrement de l’Empire, Hugo revient à Paris, le 5 septembre 1870, et reçoit un accueil triomphal.

Elu au Sénat en 1876, mais ayant renoncé à jouer un rôle politique de premier plan, il cultive l’art d’être grand-père (des deuils successifs l’ont laissé seul avec ses deux petits-enfants), recevant les grands du monde entier qui viennent le visiter. Ses 80 ans sont l’occasion d’une immense manifestation. Des millions d’hommes se reconnaissent dans son œuvre universelle. Premier dramaturge de son siècle, il en est aussi l’un des plus grands romanciers, un poète de génie et un illustrateur de talent. Et bien que couvert de gloire et d’honneurs, il est devenu le protecteur des humbles.

Le 22 mai 1885, une congestion pulmonaire l’emporte… Des obsèques nationales sont décrétées. Le 1er juin, deux millions de personnes suivent le cercueil de ce grand républicain, de l’Arc de Triomphe au Panthéon, où ses cendres sont déposées.

Mystère
(extrait du livre premier du roman «Notre-Dame de Paris 1482»)

— Messieurs les bourgeois et hobereaux1 de Paris, je ne sais, croix-Dieu! pas ce que nous faisons ici. Je vois bien là-bas dans ce coin, sur ce tréteau2, des gens qui ont l’air de vouloir se battre. J’ignore si c’est là ce que vous appelez un mystère; mais ce n’est pas amusant. Ils se querellent de la langue, et rien de plus. Voilà un quart d’heure que j’attends le premier coup. Rien ne vient. Ce sont des lâches, qui ne s’égratignent3 qu’avec des injures. Il allait faire venir des lutteurs de Londres ou de Rotterdam; et, à la bonne heure! vous auriez eu des coups de poing qu’on aurait entendus de la place. Mais ceux-là font pitié. Ils devraient nous donner au moins une danse morisque4, ou quelque autre momerie5! Ce n’est pas là ce qu’on m’avait dit. On m’avait promis une fête des fous, avec élection du pape. Nous avons aussi notre pape des fous à Gand, et en cela nous ne sommes pas en arrière, croix-Dieu ! Mais voici comme nous faisons. On se rassemble une cohue, comme ici. Puis chacun à son tour va passer sa tête par un trou et fait une grimace aux autres. Celui qui fait la plus laide, à l’acclamation de tous, est élu pape. Voilà. C’est fort divertissant. Voulez-vous que nous fassions votre pape à la mode de mon pays? Ce sera toujours moins fastidieux6 que d’écouter ces bavards. S’ils veulent venir faire leur grimace. A la lucarne7, ils seront du jeu. Qu’en dites-vous, messieurs les bourgeois? Il y a ici un suffisamment grotesque échantillon des deux sexes pour qu’on rie à la flamande, et nous sommes assez de laids visages pour espérer une belle grimace.

Gringoire eût voulu répondre. La stupéfaction, la colère, l’indignation lui ôtèrent la parole. D’ailleurs la motion8 de Coppenole fut accueillie avec un tel enthousiasme par ces bourgeois flattés d’être appelés hobereaux, que toute résistance était inutile. Il n’y avait plus qu’à se laisser aller au torrent. Gringoire cacha son visage de ses deux mains, n’ayant pas le bonheur d’avoir un manteau pour se voiler la tête comme l’Agamemnon de Timanthe…

En un clin d’œil tout fut prêt pour exécuter l’idée de Coppenole. Bourgeois, écoliers et basochiens9 s’étaient mis à l’œuvre. La petite chapelle située en face de la table de marbre fut choisie pour le théâtre des grimaces. Une vitre brisée à la jolie rosace au-dessus de la porte laissa libre un cercle de pierre par lequel il fut convenu que les concurrents passeraient la tête. Il suffisait, pour y atteindre, de grimper sur deux tonneaux, qu’on avait pris je ne sais où et juchés10 l’un sur l’autre tant bien que mal. Il fut réglé que chaque candidat, homme ou femme (car on pouvait faire une papesse), pour laisser vierge et entière l’impression de sa grimace, se couvrirait le visage et se tiendrait caché dans la chapelle jusqu’au moment de faire apparition. En moins d’un instant la chapelle fut remplie de concurrents, sur lesquels la porte se referma.

Coppenole de sa place ordonnait tout, dirigeait tout, arrangeait tout. Pendant le brouhaha11, le cardinal, non moins décontenancé12 que Gringoire, s’était, sous un prétexte d’affaires et de vêpres13, retiré avec toute sa suite, sans que cette foule, que son arrivée avait remuée si vivement, se fût le moindrement émue à son départ. Guillaume Rym fut le seul qui remarqua la déroute de son éminence14. L’attention populaire, comme le soleil, poursuivait sa révolution; partie d’un bout de la salle, après s’être arrêtée quelque temps au milieu, elle était maintenant à l’autre bout. La table de marbre, l’estrade de brocart15 avaient eu leur moment; c’était le tour de la chapelle de Louis XI. Le champ était désormais libre à toute folie. Il n’y avait plus que des flamands et de la canaille.

Les grimaces commencèrent. La première figure qui apparut à la lucarne, avec des paupières retournées au rouge, une bouche ouverte en gueule et un front plissé comme nos bottes à la hussarde de l’empire, fit éclater un rire tellement inextinguible16 qu’Homère eût pris tous ces manants17 pour des dieux. Cependant la grand’salle n’était rien moins qu’un olympe, et le pauvre Jupiter de Gringoire le savait mieux que personne. Une seconde, une troisième grimace succédèrent, puis une autre, puis une autre, et toujours les rires et les trépignements18 de joie redoublaient. Il y avait dans ce spectacle je ne sais quel vertige19 particulier, je ne sais quelle puissance d’enivrement et de fascination dont il serait difficile de donner une idée au lecteur de nos jours et de nos salons. Qu’on se figure une série de visages présentant successivement toutes les formes géométriques, depuis le triangle jusqu’au trapèze, depuis le cône jusqu’au polyèdre; toutes les expressions humaines, depuis la colère jusqu’à la luxure20; tous les âges, depuis les rides du nouveau-né jusqu’aux rides de la vieille moribonde21; toutes les fantasmagories religieuses, depuis Faune jusqu’à Belzébuth22; tous les profils animaux, depuis la gueule jusqu’au bec, depuis la hure23 jusqu’au museau. Qu’on se représente tous les mascarons24 du Pont-Neuf, ces cauchemars pétrifiés25 sous la main de Germain Pilon, prenant vie et souffle, et venant tour à tour vous regarder en face avec des yeux ardents ; tous les masques du carnaval de Venise se succédant à votre lorgnette; en un mot, un kaléidoscope humain.

L’orgie devenait de plus en plus flamande. La grand’salle n’était plus qu’une vaste fournaise26 d’effronterie27 et de jovialité28 où chaque bouche était un cri, chaque œil un éclair, chaque face une grimace, chaque individu une posture. Le tout criait et hurlait. Les visages étranges qui venaient tour à tour grincer des dents à la rosace étaient comme autant de brandons29 jetés dans le brasier30. Et de toute cette foule effervescente s’échappait, comme la vapeur de la fournaise, une rumeur aigre, aiguë, acérée, sifflante comme les ailes d’un moucheron. […]

Quant à Gringoire, le premier mouvement d’abattement passé, il avait repris contenance. Il s’était roidi31 contre l’adversité. — Continuez! avait-il dit pour la troisième fois à ses comédiens, machines parlantes. Puis se promenant à grands pas devant la table de marbre, il lui prenait des fantaisies d’aller apparaître à son tour à la lucarne de la chapelle, ne fût-ce que pour avoir le plaisir de faire la grimace à ce peuple ingrat. — Mais non, cela ne serait pas digne de nous; pas de vengeance! luttons jusqu’à la fin, se répétait-il. Le pouvoir de la poésie est grand sur le peuple; je les ramènerai. Nous verrons qui l’emportera, des grimaces ou des belles-lettres.

Hélas! il était resté le seul spectateur de sa pièce.

C’était bien pis que tout à l’heure. Il ne voyait plus que des dos.

Je me trompe. Le gros homme patient, qu’il avait déjà consulté dans un moment critique, était resté tourné vers le théâtre.

Gringoire fut touché au fond du cœur de la fidélité de son unique spectateur. Il s’approcha de lui, et lui adressa la parole en lui secouant légèrement le bras; car le brave homme s’était appuyé à la balustrade et dormait un peu.

— Monsieur, dit Gringoire, je vous remercie.

— Monsieur, répondit le gros homme avec un bâillement, de quoi?

— Je vois ce qui vous ennuie, reprit le poète, c’est tout ce bruit qui vous empêche d’entendre à votre aise. Mais soyez tranquille: votre nom passera à la postérité32. Votre nom, s’il vous plaît?

— Renault Château, garde du scel33 du Châtelet de Paris, pour vous servir.

— Monsieur, vous êtes ici le seul représentant des muses, dit Gringoire.

— Vous êtes trop honnête, monsieur, répondit le garde du scel du Châtelet.

— Vous êtes le seul, reprit Gringoire, qui ayez convenablement écouté la pièce. Comment la trouvez-vous?

— Hé ! hé ! répondit le gros magistrat à demi réveillé, assez gaillarde en effet.

Il fallut que Gringoire se contentât de cet éloge, car un tonnerre d’applaudissements, mêlé à une prodigieuse acclamation, vint couper court à leur conversation. Le pape des fous était élu.

1 hobereau (m) — мелкий помещик
2 tréteau (m) — подмостки
3 s’égratigner — царапаться
4 danse (f) morisque — южный танец
5 momerie (f) — увеселение c танцами
6 fastidieux — скучный, надоевший
7 lucarne (f) — окошко в перегородке или в двери
8 motion (f) — предложение
9 basochien (m) — судейский
10 jucher — взгромоздить
11 brouhaha (m) — гул толпы
12 décontenancé — смущенный, пришедший в замешательство
13 vêpres (f, pl) — вечерня
14 son éminence — его преосвященство
15 brocart (m) — язвительная шутка
16 inextinguible — неудержимый
17 manant (m) — мужлан, деревенщина
18 trépignement (m) — топанье
19 vertige (m) — помутнение разума
20 luxure (f) — сладострастие
21 moribond — умирающий
22 Faune — Фавн (древнеримский бог), Belzébuth — Велзевул (князь демонов)
23 hure (f) — отрезанная голова животного
24 mascaron (m) — маскарон (декоративная маска на окнах, фасадах, мостах и т. п.)
25 pétrifié — окаменелый
26 fournaise — очаг, большая печь
27 effronterie (f) — бесстыдство
28 jovialité (f) — жизнерадостность
29 brandon (m) — горящая головешка
30 brasier (m) — костер
31 se roidir — не уступать
32 passer а la postérité — войти в историю
33 garde (m) du scel — хранитель печати

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