Ils s’appelaient Panhard, Michelin, Renault, Benz, de Dion… Génies créateurs et ingénieurs visionnaires, ils ont inventé l’automobile.
Ils ont tout inventé, du moins l’essentiel. Grâce à eux, l’auto est devenue ce qu’elle est. Albert de Dion et Georges Bouton, associés dans la fabrication d’hippomobiles. Les frères Amédée et Léon Bollée, le premier travaillait sur la vapeur et le second, plus visionnaire, sur le moteur à pétrole. René Panhard, dépositaire de multiples brevets. Karl Benz, dont le tricycle est considéré par certains comme la première auto. Beau de Rochas, dont le cycle à quatre temps rythme toujours la vie des moteurs. Dunlop et Michelin, inventeurs du pneumatique…
Tous sont nés avant ce siècle qui s’achève, tous ont songé qu’il était temps d’accorder leur retraite aux chevaux d’attelage et de permettre à des engins capables de se mouvoir par leurs propres moyens (auto-mobile) de prendre la relève. Ce n’a pas été sans difficulté: s’ils n’avaient pas vécu pendant une période de grande mutation intellectuelle et industrielle, on leur aurait bien fait goûter au bûcher. Avec leurs engins fumants et pétaradants, ils faisaient peur…
La dynastie Michelin
Rien ne prédisposait Edouard et André Michelin à devenir de puissants industriels. En 1889, quand l’affaire familiale de caoutchouc périclite, ils quittent Paris pour Clermont-Ferrand. Edouard y conçoit un pneu démontable pour vélo.
Une victoire de Paris-Brest-Paris, c’est la notoriété et il songe à l’automobile. En 1895, Michelin est le premier manufacturier à équiper une automobile de pneumatique. Les deux frères la pilotent dans la course Paris-Bordeaux. Bientôt, toute automobile vient aux pneumatiques. Reconnue pour sa discrétion et pour son esprit inventif, la famille Michelin va bâtir un empire.
Louis Renault
Billancourt, un jeune homme autoritaire a révolutionné l’industrie française au début du siècle. Jusqu’aux pires excès.
«Nous tremblions à l’idée que cet homme malade était le maître absolu de 18 000 ouvriers et employés.» L’ingénieur Fernand Picard, futur papa de la 4 CV, désignait ainsi Louis Renault, personnage à facettes. Génie, certes, despote, aussi. Sa carrière commence dans la tribu des cancres, des incompris. Louis Renault, jeune, est peu loquace, perdu dans ses rêves de locomotion. Son père, Alfred, négociant en tissus, a l’intuition de lui fournir les moyens de s’exprimer. Dans la remise de Billancourt, banlieue de Paris, il lui installe un atelier où Louis dépense ses premières économies. Ses frères aînés, Marcel et Fernand, apportent chacun la moitié du capital, Louis la conception. La société Renault Frères est officiellement créée le 25 février 1898. Un vieux hangar, un magasin de pièces détachées et un bureau en bois: voilà l’usine.
Au soir de Noël 1898, Louis et ses frères rejoignent l’estaminet parisien de la rue Helder dans un grand bruit de pétarade. Louis, vingt et un ans, y présente sa création: un tilbury motorisé. Ebloui par l’aisance avec laquelle l’engin gravit la rue Lepic, un avocat l’achète. Un acompte de soixante louis d’or en poche, Renault se lance dans la construction automobile. La première voiture se nomme Type A, dérivée du proto de la rue Lepic, un tilbury moteur avant, propulsé par un moteur de Dion de 1,75 cheval. Fasciné par l’impact de la course, Renault s’engage avec passion dans des épreuves de longue haleine. Mais Marcel se tue, en 1903, lors du Paris-Madrid. Louis décide de ne plus jamais piloter en compétition. Il rachète les parts de ses frères.
Billancourt devient sa raison de vivre. En 1910, 6 800 véhicules y sont produits. Malgré le succès, Louis Renault n’est guère apprécié. Il arpente ses ateliers, hautain, cassant, travailleur acharné mais impossible à vivre. Il veut plus, toujours plus, plus vite, qu’importent les moyens. Fasciné par la réussite de Henry Ford, il se rend à Detroit, en revient avec la taylorisation qu’il implique sans discernement.
Armand Peugeot
Armand Peugeot a été le premier à pressentir le formidable essor de la bicyclette. Au pays de Montbéliard, en cette fin de XIXe siècle, on le prend pour l’original. Peu lui importe. Son succès est immédiat et, déjà, il rêve de motoriser ses cycles. Après quelques curieux engins hybrides, il présente sa première automobile en 1891. L’impulsion est donnée et, à la veille de la Première Guerre mondiale, la Société des Automobiles Peugeot est devenue une grosse affaire dont l’esprit rigoriste imprègne une clientèle appréciant autant la sobriété que la robustesse.
Rudolf Diesel
Oui, Monsieur Diesel a existé! Si le mot «diesel» est employé depuis plus de cent ans, on le doit bien au nom de son inventeur: Rudolf Diesel, ingénieur allemand né à Paris en 1858. Il a passé plus de vingt ans à mettre son moteur au point. Dès 1892, il expose sa théorie: augmenter la compression de l’air pour obtenir une inflammation spontanée du combustible et pouvoir brûler n’importe quel carburant. Son premier prototype explose et le blesse. Un second moteur, en 1897, fournit des résultats positifs. Dès 1898, le premier diesel tourne aux Etats-Unis pour fournir de l’électricité. En 1903, d’autres animent des bateaux, des locomotives, des camions, enfin des voitures, en 1936.
André Citroën
Le 7 juillet 1919, à Paris, la première Citroën a été commercialisée. Et cela semble bien tard finalement, au regard de toutes les autres marques existant déjà. André Citroën n’a pas été de ces précurseurs de l’automobile, techniciens géniaux tels Louis Renault ou Henry Ford. Lui est polytechnicien, capitaine d’industrie, dynamique et ambitieux. N’a-t-il pas ouvert deux ateliers d’engrenages, l’un à Paris, l’autre à Moscou?
La Grande Guerre va le propulser sur le devant de la scène. Il propose au ministère de l’Armement de bâtir une usine pour produire des obus. Banco: les bâtiments sortent de terre, en bord de Seine, à Paris, en six semaines. Une fois la guerre terminée, Citroën décide de lancer la première voiture française de grande diffusion, rompant avec une industrie jusque-là encore trop souvent confondue avec le luxe et le cousu-main. Son luxe à lui, c’est de choisir ses hommes de confiance tout en animant sa société de son esprit visionnaire.
Pour André Citroën, fabriquer des voitures n’est pas tout. Il invente les échanges standards de pièce, crée la première société de location, lance la vente à crédit, des assurances, dote les routes de France de panneaux indicateurs portant sa marque… et commercialise les premiers jouets, répliques très fidèles de la Citroën de papa. Enfin, Citroën fait rêver. En lançant hommes et machines à l’assaut du monde: la première traversée automobile du Sahara, en 1922, la Croisière noire, en 1924, puis enfin la Croisière jaune, en 1931.
Rallye est pour rallier
Amédée Bollée a construit sa première voiture en 1873… Et il lui a fallu attendre deux ans pour que le gouvernement lui accorde l’autorisation de conduire son engin «sur route».
La France était d’ailleurs prête pour l’automobile: grâce à Napoléon, elle était le seul pays d’Europe à disposer de routes longues, droites et plates. L’époque des rallyes commence. Un des premiers voyages en voiture est effectué par l’équipe de marquis Albert de Dion. En 1890, leur tricycle à vapeur rallie Lyon en dix jours, à la vitesse moyenne de 3,5 km/h.
L’année suivante, une Peugeot parcourt 2 500 km à la moyenne de 15 km/h. En 1895, la course de vitesse Paris-Bordeaux-Paris rassemble 21 voitures (14 à pétrole, 6 à vapeur et 1 électrique). Deux jours après le départ, le premier pilote revient à Paris avec la moyenne (fantastique!) de 24,7 km/h.
Les voitures rapides viendront plus tard pour enregistrer (en 1983) le record officiel de vitesse — 1 019 km/h!