Le résumé de texte
Nous vivons à l’ère de l’information-désinformation. Le paradoxe et la contradiction ne sont qu’apparents1. Nous avons à notre disposition un nombre toujours croissant de documents qui concernent aussi bien l’évolution du monde que celle de notre vie privée ou de nos activités professionnelles.
Les images et les sons laissent des traces fragmentaires et erratiques dans notre mémoire. Un drame chasse l’autre, et les émissions de télévision sont rediffusées en ne provoquant chez nous que de vagues réminiscences2. Quant aux écrits, nous avons à peine le temps de les lire. Et les gens surchargés, tout comme les oisifs3, demandent de plus en plus qu’on les éclaire, qu’on les renseigne, qu’on leur résume les points forts de l’actualité et les conséquences pratiques qui en découlent.
Qu’est-ce qu’un résumé de texte ?
Initialement, et nous remontons là au XIVe siècle, le verbe «résumer», du latin resumere, signifie «répéter» et «reprendre». C’est au XVIIe siècle que le sens s’affine, se précise. Ce n’est plus seulement reprendre, mais reprendre en resserrant, reprendre l’essentiel d’une discussion ou d’un discours.
Il s’agit de rédiger de manière ordonnée, en un nombre de mots fixés à l’avance, les informations les plus importantes d’un texte donné. L’objectif est la communication d’informations reproduisant la pensée de l’auteur originel en étant le plus neutre, le plus exact et le plus bref possible.
LES TECHNIQUES DU RESUME
Quel que soit le genre de résumé auquel on se trouve confronté, il existe un certain nombre de règles et de techniques qu’il faut connaître et maîtriser si l’on veut réaliser un travail convenable.
Dégager l’idée centrale
De même qu’existe le vertige4 devant la feuille blanche, on a souvent la phobie du texte dans l’intimité duquel on doit rentrer. Et c’est bien d’une intimité qu’il s’agit, car la compréhension purement abstraite et intellectuelle ne suffit pas. Sans un minimum d’intuition et de sympathie, le résumé que l’on rédigera sera terne5, sans relief, et probablement inutilisable.
Alors, on effectue une première lecture du texte donné. Il s’agit de prendre connaissance du texte et des idées qu’il exprime. L’objectif consiste à saisir le thème général et la problématique du texte. Ces notions ne sont pas interchangeables. La problématique peut se définir schématiquement comme la vision personnelle de l’auteur de la thématique de base du texte. On fait attention aux éventuelles indications fournies: nom de l’auteur, datation du texte, origine du texte et son titre.
Grâce à ces différents éléments, on doit identifier la logique argumentative d’ensemble. Il ne s’agit pas d’entrer dans les détails. On peut s’aider de la construction du texte: repérer les paragraphes, les conjonctions de coordination.
La pensée d’un auteur est un mécanisme fragile, vivant et cohérent. La condenser relève d’une pratique d’horlogerie qui consiste à la fois à démonter et à respecter. Pour paraphraser une formule célèbre, ce n’est pas tant la lettre qui compte, mais l’esprit. Autrement dit, le résumé n’est pas un réceptacle6 de citations recopiées plus ou moins fidèlement, mais la mise en valeur d’un raisonnement. A cet égard, l’impression procurée par la première lecture est essentielle. Un regard neuf décèle7 plus facilement le point d’ancrage d’une pensée. Voilà l’idée centrale, constate-t-on; et déjà, des arguments, des preuves, des faits viennent s’accrocher à elle comme des satellites. Pour fixer cette première approche, on laissera un moment le document de référence et on notera de mémoire comment s’articule la structure ainsi découverte.
Dégager les arguments
A partir du moment où les grands axes d’un parcours ont été repérés, la randonnée devient promenade. On peut s’intéresser aux particularités du paysage, aux fleurs des champs. Rapportée à un texte, cette métaphore concerne les faits, les preuves, les anecdotes, les déductions, les transitions qui nourrissent les idées essentielles. Plusieurs lectures successives permettent de souligner les termes importants, de cocher les passages à conserver, de numéroter la progression des arguments, d’entourer les formules de transition, de préciser le sens d’un mot grâce à l’usage d’un dictionnaire. On étudie le texte avec rigueur et précision ligne par ligne. Chaque phrase doit conduire à une identification du sens voulu par l’auteur. Il est souhaitable de souligner les mots clé, les conjonctions afin d’identifier la logique argumentative de l’auteur. Cette phase du travail a pour objectif essentiel de déterminer le cheminement8 de la pensée de l’auteur. Peu importe qu’on soit en accord ou non avec ses idées ou ses arguments, on doit occulter9 toute réflexion personnelle car on se contente de rendre compte d’une opinion, on ne la commente pas.
Mettre en évidence la structure du texte
Le plan du résumé s’élabore à l’issue de cette recherche. Si le texte original est structuré d’une manière claire et cohérente, le plan du résumé coule de source. Mais si ce texte semble confus et répétitif, c’est à l’auteur du résumé de tenter de le clarifier. On agira toutefois avec prudence et modestie, en se rappelant d’une part que résumer ne consiste pas à prélever au hasard des idées importantes, et d’autre part que dans tous les textes il existe une continuité intellectuelle, un fil rouge. Et c’est précisément la fonction du résumé de le découvrir et de le mettre en évidence.
Supprimer et simplifier
Il y a lieu de distinguer le niveau des idées de celui des formules. Un texte est bâti autour d’une thèse que des séries d’arguments, de témoignages et d’exemples viennent étayer10. Parmi tous ces éléments de même nature, on choisira le plus important, le plus caractéristique ou le plus évocateur.
Et on commence à rédiger. Il est conseillé de suivre le découpage du texte effectué dans le développement précédent. On doit conserver un équilibre analogue à celui du texte.
S’agissant des mots, on fera la chasse aux formules creuses (je vous écris pour vous dire…), aux adjectifs superflus (une documentation totale), aux pléonasmes (monter en haut).
Chaque fois que cela est possible, on simplifiera aussi les formules et les tournures de phrases. Voici quelques exemples:
On remplace un complément par un adjectif: la pensée de l’homme > la pensée humaine.
On remplace une proposition subordonnée par un adjectif ou un participe: Même si Gérard avait pris le taxi, il aurait manqué son train > Même ayant pris le taxi, Gérard aurait manqué son train.
On remplace deux propositions par une seul: On s’intéresse à ce qu’ils pensent > On s’intéresse à leurs pensées.
On remplace une énumération par un terme collectif: les chaises, les tables, les fauteuils du salon… > le mobilier du salon.
Ce gain11 de mots est surtout important dans les exercices de contraction12 de texte, où le nombre de termes à employer est rigoureusement limité ainsi du reste que la durée de l’épreuve.
L’économie et la concision13 ne sont pas forcément synonymes de style télégraphique. C’est le premier piège à éviter. Le second consisterait à tenter d’imiter la forme du texte original. L’auteur du résumé doit conserver son style, en se gardant néanmoins de sombrer dans une personnalisation outrancière14. L’emploi trop subjectif du pronom je est à proscrire15. Le résumé n’a donc rien d’un rapiéçage16 de citations. C’est un outil de communication qui, tout en respectant la fidélité d’un message, doit pouvoir se lire indépendamment du texte original.
1 apparent — мнимый
2 réminiscence (f) — воспоминание
3 oisif (m) — бездельник
4 vertige (m) — головокружение, помутнение
5 terne — блеклый, бесцветный
6 réceptacle (m) — собрание
7 déceler — обнаруживать
8 cheminement (m) — ход
9 occulter — скрывать
10 étayer — подкреплять
11 gain (m) — выигрыш
12 contraction (f) — сжатие
13 concision (f) — лаконичность
14 outrancier — чрезмерный
15 proscrire — исключать
16 rapiéçage (m) — накладывание заплат