de Marie Cardinal «La clé sur la porte»
Je trouve que l’expression «mes vieux» pour parler des parents est une des plus péjoratives et des plus cruelles du langage des jeunes. Ceux qui ont entre quinze et vingt ans savent bien que leurs parents ne sont pas vieux en nombre d’années. Mais c’est pire, ils sont amortis, inutilisables pour aujourd’hui et demain. Ils ne sont qu’un hier dont les jeunes n’ont rien à foutre.
Je me demande d’ailleurs si le mot «jeunesse» ne serait pas à redéfinir. Je parle de la jeunesse qui inquiète les gouvernements et les adultes. Je crois que la musique moderne est extrêmement importante si je veux comprendre la génération de mes enfants et je sais que je ne veux pas l’aborder en simple amateur, en spectateur, en observateur. Ou je m’enfonce dedans complètement, ou je n’ai aucune idée de ce qu’elle est réellement et du coup je ne peux pas comprendre ce qui les fascine, ce qui les fixe. Pratiquement je ne peux pas communiquer profondément.
Peut-être que j’exagère. Peut-être que je suis en train de généraliser ce qui ne concerne qu’un minuscule petit groupe. Peut-être que je dramatise. Je ne le crois pas. J’ai vu arriver à la maison des apprentis ingénieurs, des ouvriers, des apprentis clochards, des Anglais, des Hollandais, des Canadiens, des Allemands, des Américains, des Suisses, des Belges, des Japonais, des Africains. Ils entraient, il y avait de la musique, ils se reconnaissaient entre eux. Ils savaient se définir et communiquer, même sans mots. J’ai vécu au Canada et aux Etats-Unis avec mes enfants. Au départ des rencontres intéressantes il y avait toujours la même chose: la musique, la même musique.
Leurs disques ce sont nos livres. Ils sont pleins d’histoires, de messages, de rêves, d’aventures. Un jour mon fils a branché des écouteurs sur l’électrophone et il m’a fait écouter un disque. J’ai vécu un bien beau moment en compagnie de cette musique-là: une tempête, un espoir. Grâce aux écouteurs j’ai perçu des nuances extrêmement fragiles que je n’avait jamais perçues auparavant. Après je leur ai parlé et je me suis rendu compte que c’était précisément ces moments qu’ils attendaient chaque fois qu’ils écoutaient ce disque, que je venais au fond de découvrir alors qu’il tournait tous les jours au moins trois ou quatre fois depuis plusieurs semaines.
Une personne qui me parlait de ses enfants:
— Je ne suis pas contre leur musique. Mais pourquoi l’écoutent-ils si fort?
— Pour être complètement occupés par elle. Elle plus qu’un simple divertissement.
— Ils sont fous…
Exercices
1. Quelles sont les idées principales du texte?
Remettez ces phrases dans l’ordre où ils apparaissent dans le texte.
a. La musique unit les jeunes malgré leur différence sociale, nationale ou géographique.
b. Pour comprendre les jeunes il faut comprendre leur musique.
c. Pour pouvoir comprendre la musique des jeunes il faut accepter leur manière de l’écouter.
d. Celui qui n’accepte pas la manière des jeunes d’écouter la musique, n’est pas capable de les comprendre.
e. Les jeunes n’aiment pas ceux qui ne les comprennent pas.
2. Où cela est-il dit?
Où trouvez-vous dans le texte un exemple de:
a. condition,
b. doute,
c. ravissement,
d. révélation,
e. supposition, hypothèse,
f. vexation ?
3. Avez-vous compris les mots du texte?
Trouvez dans le texte une autre façon pour dire:
1. amplifier, ajouter
2. assigner, décider
3. comprendre, connaître, prendre conscience
4. comprendre, découvrir, remarquer
5. dilettante (m, f)
6. éprouver une émotion
7. étendre, appliquer à l’ensemble
8. faire peur, angoisser, tourmenter
9. féroce, méchant, injuste
10. grossir la gravité
11. méprisant, hostile
12. s’adonner, s’abandonner
13. s’exprimer
14. séduire, émerveiller, captiver