La biographie de François Truffaut se confond avec sa filmographie, avec ses films. Ses films, au moins un certain nombre, s’inspirent d’événements vécus ou d’obsessions très personnelles.
L’enfance et ses émerveillements sont omniprésents dans les préoccupations du cinéaste qui avait déclaré: «Mon cinéma est un prolongement de la jeunesse, avec un refus de voir la vie telle qu’elle est, le monde dans son état réel, et, en réaction le besoin de créer quelque chose qui participe un peu du conte de fées.»
Son enfance n’était pas heureuse. Sa mère ne le supportait pas: il devait se faire oublier, rester sur une chaise à lire, il n’avait le droit ni de jouer, ni de faire du bruit. Souvent confié à ses grands-mères, c’est d’elles qu’il tient le goût, pour ne pas dire la passion, de la lecture. Un véritable refuge pour un enfant «pas aimé», n’ayant que de rares mais très fidèles amis.
La lecture est une passion qu’il conservera toute sa vie. Adulte, son appartement et son bureau seront remplis de livres, il gardera l’habitude d’en acheter beaucoup, en plusieurs exemplaires, pour pouvoir les envoyer ou les offrir à ses amis. Il se passionnera également pour l’édition, consacrant autant de temps à son livre d’entretiens avec Alfred Hitchcock qu’à un de ses films, rédigeant de nombreuses préfaces, se faisant l’éditeur, par exemple, des œuvres de son père spirituel, André Bazin.
Le cinéma devient vite aussi important, sinon plus, que la lecture, une «évasion encore plus forte». Le premier souvenir de cinéma de François Truffaut remonte au début de l’Occupation, quand le cinéma était «devenu un refuge, et pas seulement au sens figuré». Dès l’âge de huit ans (en 1940), le futur cinéaste commence à fréquenter les salles de cinéma, d’abord avec ses parents, puis seul, et même en cachette. Ses souvenirs d’école buissonnière seront liés au cinéma.
Après l’Occupation, il ne cessera pas de fréquenter les salles obscures où il rencontrera le journaliste André Bazin qui deviendra son mentor, qui le sauvera de la petite délinquance, qui le sortira de la prison militaire quand François sera porté déserteur et qui le fera entrer aux Cahiers du cinéma à partir de 1953.
Grâce à ses premiers articles dans les Cahiers du cinéma, Truffaut se fait très vite remarquer par la véhémence de ses propos, exposant ses idées avec fougue et énergie. Pour toute la «bande des Cahiers», la question ne se pose même pas: ils seront cinéastes pour aller jusqu’au bout de leurs idées, de leur conception du cinéma, très éloignée des tendances, violemment condamnées, d’un «certain cinéma français», dit «de qualité», représenté par des hommes qui doivent leur carrière à l’Occupation et qui réalisent des films loin de la réalité, loin de la vie.
François Truffaut crée l’événement en 1954 en signant le célèbre texte «Une certaine tendance du cinéma français», diatribe à l’intention des cinéastes français trop conventionnels qui incarnent le courant de l’après-guerre. Sur les bases de cette polémique qui prendra d’incroyables proportions, va s’échafauder la fameuse «Nouvelle Vague».
Truffaut créera sa propre société de production. Le succès d’estime remporté par Les Mistons (1957) le mène naturellement au long métrage.
En 1959, Cannes plébiscite Les Quatre Cents Coups, l’histoire du jeune Antoine Doinel dont l’enfance, bien qu’il ait toujours nié le caractère autobiographique de cette œuvre, ressemble étrangement à celle du réalisateur: Antoine Doinel (interprété par Jean-Pierre Léaud), un adolescent de quatorze ans, a des problèmes à l’école, qu’il «sèche» régulièrement pour aller au cinéma, et avec ses parents, à qui il raconte n’importe quoi. Il fait les «quatre cents coups» et se livre même à des petits larcins. Il se fait renvoyer de l’école, vole une machine à écrire dans le bureau de son beau-père, se fait prendre, est envoyé dans un centre d’observation pour mineurs délinquants d’où il s’évade pour courir vers la mer.
«Avec Les 400 coups, François Truffaut entre dans le cinéma moderne comme dans le collège de nos enfances. … Les 400 coups sera le film le plus orgueilleux, le plus têtu, le plus obstiné, et en fin de compte, le film le plus libre du monde. Moralement parlant. Esthétiquement aussi… Pour nous résumer que dire? Ceci: Les 400 coups sera un film signé Franchise. Rapidité. Art. Nouveauté. Cinématographe. Originalité. Impertinence. Sérieux. Tragique. Rafraîchissement. Fantastique. Férocité. Amitié. Universalité. Tendresse.» (Jean-Luc GODARD)
Récompensé par la Palme d’or, le film inaugure brillamment une carrière remarquable émaillée de nombreux succès. A travers les longs métrages qui suivront, entre 1959 et 1983, François Truffaut abordera tous les genres mais ses thèmes de prédilection resteront sensiblement les mêmes.
«Je tourne toujours autour de la question qui me tourmente: le cinéma est-il plus important que la vie?». Dans sa vie, le cinéma a la priorité absolue. Truffaut ne cessera de tourner, ou presque, au rythme d’un film par an.
L’équilibre se constituera à peu près entre scénarios originaux et adaptations de livres aimés. Admirateur du cinéma américain, François Truffaut réalisera plusieurs «séries noires» et fera même une incursion dans la science-fiction avec Fahrenheit 541 (1966).
Les scénarios originaux, c’est d’abord la série de Doinel — après Les Quatre Cents Coups (1959): Antoine et Colette (1962), Baisers volés (1968), Domicile conjugal (1970) et L’Amour en fuite (1979) — toujours avec Jean-Pierre Léaud, qui sera également l’interprète des Deux Anglaises et le Continent (1971), de La Nuit américaine (1973), et à qui sera dédié L’Enfant sauvage (1969). Ce sont des films inspirés de faits divers, comme La Peau douce (1964) ou d’expériences personnelles comme La Nuit américaine et Le Dernier Métro (1980).
Des films, enfin, spécialement écrits pour des acteurs: en dehors de Jean-Pierre Léaud: Jeanne Moreau, Charles Denner (L’homme qui aimait les femmes (1977)), Bernadette Lafont (Une belle fille comme moi (1972)) ou Fanny Ardant (La Femme d’à côté (1981), Vivement dimanche! (1983)).
La carrière de François Truffaut joue également avec le principe de l’alternance. A un film lourd (Les Deux Anglaises et le Continent) succédera un divertissement (Une belle fille comme moi); à un film commercialement risqué (L’Enfant sauvage ou La Chambre verte (1978)) fera suite une entreprise a priori plus évidente pour le public (Domicile conjugal ou L’Amour en fuite).
Dans les films qui lui tiennent peut-être le plus à cœur (L’Enfant sauvage, La Nuit américaine, La Chambre verte), François Truffaut ne peut se résoudre à passer par un interprète et se confie le rôle principal.
Il invite également des acteurs connus comme Jean-Paul Belmondo, Charles Aznavour ou Gérard Depardieu. Mais, amoureux des femmes, les déclarant plus passionnantes que les hommes, il les place, elles, souvent au cœur de son œuvre. Truffaut a fait tourner les plus belles actrices françaises: Jeanne Moreau, Catherine Deneuve, Marie-France Pisier, Françoise Dorléac, Claude Jade, Fanny Ardant, Isabelle Adjani et de radieuses étrangères comme Jacqueline Bisset ou Julie Christie.
Aujourd’hui, l’œuvre de François Truffaut est mise à nu, disséquée et étudiée dans les plus prestigieuses écoles de cinéma d’Amérique et d’ailleurs.
Résumette
Utilisant la tribune des Cahiers du cinéma, de jeunes cinéastes français ont engagé dans les années 50 le combat pour un nouveau cinéma: libre, intellectuel, moralement parlant. C’était la Nouvelle Vague, le mouvement cinématographique enrichi par plus de 20 films de François Truffaut. En tournant ses personnages dans la rue (et non plus en studio), Truffaut a su créer ses films, souvent au caractère autobiographique, avec une grande liberté narrative. Beaucoup d’acteurs — français et étrangers, connus et débutants — ont tourné dans les films de Truffaut qui font partie de l’héritage cinématographique du XX-ème siècle et sont étudiés aujourd’hui dans les plus prestigieuses écoles de cinéma du monde entier.