La Cité de Carcassonne est un magnifique ensemble d’architecture militaire et religieuse. Il n’existe nulle part en Europe un ensemble aussi complet et aussi formidable de défense du VIe, XIIe et XIIIe ; avec sa Basilique Saint-Nazaire (XI-XIVe) et son Château Comtal (XIIe). Bref un monument unique au monde, une ville entière du Moyen Age à deux enceintes fortifiées et 52 tours.
Vers le VIIIe siècle avant J.-C., l’oppidum1 de Carsac est établi à deux kilomètres au sud de la cité actuelle. L’agglomération étendue sur les hauteurs d’un plateau est protégée d’un fossé et d’entrées en chicane2. Sous la pression d’un accroissement démographique, le site est réorganisé et agrandi vers la fin du VIIe siècle : un deuxième fossé est alors aménagé pour assurer la protection de la nouvelle extension.
Au début du VIe siècle, l’oppidum de Carsac est abandonné pour être transféré sur la butte dominant la plaine de l’Aude. Les vestiges recueillis lors de fouilles archéologiques témoignent de l’occupation de ce site du premier Age du Fer jusqu’à la conquête romaine : murettes en pierre sèche3, silos à grains4, fours de potiers5. La découverte d’un mobilier6 abondant, plus particulièrement de céramiques (amphores, coupes, vases…) attestent l’activité de cette agglomération ouverte aux échanges commerciaux établis entre le pays audois et le bassin méditerranéen.
A la fin du IIe siècle, l’agglomération désignée alors sous le nom de Carcaso est intégrée à la colonie de la Narbonnaise dont la fondation, en 118, constitue le premier jalon de la conquête romaine sur le sud de la Gaule. Ce petit centre administratif et commercial placé sur la voie d’Aquitaine devient le chef-lieu de la colonie.
Après la dislocation de l’Empire romain, Carcaso, devenue Carcasona, est placée sous la domination des Wisigoths qui conservent la péninsule ibérique7 et la Septimanie (l’actuel Bas-Languedoc) sur la bordure nord de laquelle Carcasona demeure l’une des villes frontière. Au VIIIe siècle, la conquête arabe triomphe des Wisigoths, mais dès 759 la ville est conquise par le roi des Francs, Pépin le Bref, qui s’impose alors dans toute la Septimanie. L’administration du nouvel empire est placée sous l’autorité comtale installant à la tête du comté de Carcassonne des familles de lignages8 anciens.
Jusqu’au XIe siècle on ne trouve pas de trace de nouvelles constructions dans la cité, mais à partir de la fin de ce siècle, des travaux importants vont être effectués.
C’est le début de la féodalité : en 1082, Trencavel, vicomte d’Albi, de Nîmes et de Béziers, se proclame vicomte de Carcassonne. La cité est alors divisée en 16 châtellenies : une partie de l’enceinte, comprenant en général 1 ou 2 tours, est placée sous la responsabilité d’un noble fidèle.
Carcassonne est une ville prospère et riche en cette période : les taxes de passage des marchands ambulants9 sont élevées, parfois atteignant la moitié de leurs produits !
En 1096, le pape Urbain II bénit10 les matériaux qui serviront à la construction de la cathédrale Saint-Nazaire. C’est durant cette période que dans le Midi, s’installe une nouvelle religion, faisant beaucoup d’adeptes : le catharisme11, qui va provoquer les guerres religieuses et les croisades12. En 1209, les seigneurs venus du Nord se lèvent contre le comte de Toulouse et ses vassaux (dont le puissant vicomte Trencavel) afin de libérer le pays de ce qu’ils nomment «l’hérésie cathare». Après 15 jours de siège, les croisés13 prennent Carcassonne et captive Trencavel qui meurt de dysenterie en prison.
En 1240, le fils de Trencavel veut reprendre la ville de son père mais échouera après 24 jours de siège.
Carcassonne fait donc partie du domaine royal. Louis IX, qui ne veut plus de guerre avec de longs sièges, fortifie la ville en construisant une deuxième muraille. Carcassonne tel que nous la connaissons vient de naître.
Le roi accorde aux habitants des anciens faubourgs détruits le droit de s’établir sur la rive droite de l’Aude au pied de la cité. La Ville Basse est créée. La place où se tiennent foires et marchés en forme le centre social et économique tandis que les églises Saint-Michel et Saint-Vincent forment le cœur spirituel de deux paroisses14. Carcassonne prospère ; elle devient l’un des plus importants centres drapiers15 du Languedoc.
La peste16, la famine et la guerre de Cent ans qui s’installent dans ses murs coupent Carcassonne au XIVe siècle de ses ambitions. Malgré la résistance des Carcassonnais, le prince de Galles17 n’a pas de mal en novembre 1355 à la soumettre, l’incendier et la piller. On la reconstruit vite en veillant à élever un rempart18 muni de tours circulaires, doublé d’un large fossé. Un pont enjambe dorénavant19 l’Aude pour relier la Ville Basse et la Ville Haute.
Du XIVe au XVIIIe siècle, l’industrie drapière assure à Carcassonne une économie développée dont témoignent les hôtels particuliers élevés par les riches marchands carcassonnais. Peu à peu, les notables et les autorités civiles, juridiques et religieuses, préfèrent la Ville Basse à la cité qui perd sa raison militaire avec le traité des Pyrénées, rattachant définitivement en 1659 le Roussillon au domaine français. En 1801, le siège épiscopal est transféré dans l’église Saint-Michel laissant à l’abandon20 l’ancienne cathédrale Saint-Nazaire. Le déclassement de la forteresse est prononcé trois ans plus tard par Napoléon Ier. Inscrite en 1820 parmi les places fortes de deuxième catégorie, elle n’est entretenue qu’au minimum par le ministère de la Guerre.
C’est grâce à Mérimée, que la ville médiévale de Carcassonne passe en 1844, sous l’autorité de «l’administration des beaux-arts». L’un des plus exceptionnels chantiers de restauration du XIXe siècle débute sous la direction de l’architecte Eugène Viollet-le-Duc.
La cité de Carcassonne restaurée recouvre21 sa silhouette du XIIIe siècle. Avec plus de 2 000 ans d’histoire, l’ancienne forteresse entame un nouveau destin, livrant dans la première moitié du XXe siècle l’image et le décor d’un Moyen Age idéal et légendaire. Mélodrames moyenâgeux présentés dans le théâtre de plein air, fête du bimillénaire, et embrasement22 constituent dès lors les principales manifestations de la saison touristique. Dès 1908, la Cité offre le décor de ses murailles et de ses tours à l’inspiration des cinéastes venus en quête de l’évocation d’un Moyen Age disparu. Reconnue Patrimoine de l’Humanité par l’UNESCO en 1997, la cité de Carcassonne forme depuis sa «renaissance» un lieu privilégié pour la connaissance et l’imaginaire des hommes.
Résumette
Le site de Carcassonne a joué à travers les siècles un rôle déterminant dans l’histoire du Languedoc. Oppidum de l’Age du Fer transformé au Ier siècle av. J.C. en ville romaine, la cité appartient au XIe siècle à la vicomté Trencavel. Au terme de la croisade, Carcassonne, dotée de fortifications nouvelles, devient l’une des places emblématiques du pouvoir royal sur la frontière qui sépare la France et l’Aragon. Avec le traité des Pyrénées en 1659 qui rattache le Roussillon aux possessions françaises, la cité perd cependant son rôle stratégique, laissant à l’abandon ses ouvrages défensifs. Au XIXe siècle, grâce à l’action du service des Monuments historiques, l’ancienne forteresse a recouvré sa physionomie passée.
1 oppidum (m) – укреплённый город
2 en chicane – зигзагообразный, в виде лабиринта
3 en pierre sèche – сухая каменная кладка
4 silo (m) à grains – зернохранилище
5 potier (m) – гончар
6 mobilier (m) – (зд.) домашняя утварь
7 péninsule (f) ibérique – Пиренейский (Иберийский) полуостров
8 lignage (m) – род
9 marchand (m) ambulant – приезжий купец
10 bénir – освятить
11 catharisme (m) – катаризм, средневековое религиозное движение
12 croisade (f) – крестовый поход
13 croisé (m) – крестоносец
14 paroisse (f) – церковный приход
15 drapier – суконный
16 peste (f) – чума
17 prince (m) de Galles – Эдуард принц Уэльский (1330-1376), старший сын короля Эдуарда III
18 rempart (m) – земляной вал, насыпь
19 dorénavant – отныне
20 laisser à l’abandon – покинуть, запустить, забросить
21 recouvrer – возвращать себе (утраченное)
22 embrasement (m) – прожекторное освещение, подсветка