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Les histoires de Chantilly

Les histoires de Chantilly

Les histoires de Chantilly

«Pourquoi m’a-t-on emmené sept fois à Versailles et jamais ici?»
Richard Nixon, président des Etats-Unis, lors de sa visite officielle de Chantilly, en 1968

Chaque ville française, grande ou petite, a ses petites histoires à raconter, et chaque histoire sera la meilleure caractéristique de cette ville. Ainsi Dijon nous racontera l’histoire de la moutarde; Grasse — celle du parfum; Epernay — du champagne. Mais il y a d’autres villes dont les histoires sont aussi multiples que variées. C’est le cas de Chantilly: ville-musée, centre des activités hippiques,1 patrie de la crème fouettée,2 capitale de la dentelle noire et de la porcelaine à décor japonais, abri de la plus importante collection provinciale de tableaux anciens. Quelle abondance de sujets pour une toute petite ville de 12 000 habitants!

Histoire des châteaux et des parcs

Pendant la guerre de Cent ans, Chantilly est une forteresse. C’est au connétable3 Anne de Montmorency qu’on doit la transformation complète du château au XVIe siècle. Son arrière-petit-fils,4 le prince de Condé décide de s’occuper des parcs et des jardins dont l’aménagement est confié à André Le Nôtre, le jardinier favori de Louis XIV.

L’ensemble est formé du Grand Canal (qui dépasse en dimensions celui de Versailles!) et des dix bassins symétriques. Pour alimenter les jeux d’eau,5 l’ingénieur canalise la Nonette6 et conçoit sa première machine élévatoire.

Le château voit se dérouler de somptueuses fêtes, dont la plus célèbre est liée à la venue de Louis XIV le 23 avril 1671 — le jour du suicide du malheureux cuisinier Vatel.7

Beaucoup de grands écrivains de son temps séjournent au château: Bossuet, Fénelon, La Bruyère, Molière, Boileau, Racine ou La Fontaine.

Pillé8 à la Révolution, en partie détruit, transformé en prison, l’ensemble passe par héritage en 1830 au duc d’Aumale, fils du roi Louis-Philippe, qui fait reconstruire le Grand Château par l’architecte Daumet. Amateur avisé,9 le nouveau propriétaire enrichit considérablement les collections de peinture de Chantilly avant de léguer10 le tout à l’Institut de France, à la seule condition que l’on ne déplace pas les peintures. Le 17 avril 1898, moins d’un an après la mort du duc d’Aumale, le Musée Condé ouvre ses portes au public.

Histoire du musée

Tableaux et objets s’y mêlent sans souci de classement, selon la disposition de l’époque. Ainsi, la galerie de Peinture réunit-elle d’un côté Poussin, Gérard, Philippe de Champaigne, Lancret et Delacroix et de l’autre De Troy, Longhi, Guerchin, de Volterra et Véronèse.

Dans le Grand Château, le cabinet des Clouet (Jean Fouquet, Raphaël) et la tribune (Botticelli, Watteau, Mignard, Ingres) sont une véritable anthologie de chefs-d’œuvre. La galerie de Psyché, avec ses quarante-deux vitraux en grisaille,11 et le cabinet des Gemmes sont également célèbres. Le petit château, outre la galerie des Batailles du Grand Condé, a conservé certains décors du XVIIIe siècle: les peintures du salon des Singes et les boiseries12 de la chambre de Monsieur le Prince. On y trouve aussi la bibliothèque du duc d’Aumale, qui est riche de quelque 13000 volumes dont certains datent du début du xve siècle.

Histoire de la dentelle

Duc d'Aumale

Duc d’Aumale

La dentelle de Chantilly qui s’exécute au fuseau,13 est réputée dans le monde entier.

Dès le milieu du XVIIe siècle, la région Nord de Paris se spécialise dans la fabrication des dentelles de soie. En 1830, l’industrie dentellière emploie environ 4000 personnes dans le secteur de Chantilly. A la fin du XVIIIe siècle, sous le Premier Empire, la dentelle de soie exécutée à Chantilly porte le nom de Blonde. «La Blonde» doit ce nom à la couleur de la soie issue du cocon du papillon, le bombyx14. Cette soie est de teinte jaune pâle argentée et scintillante.

La vogue des blondes dure jusque vers 1840 pour laisser la place à la dentelle noire que l’on appelle Chantilly et qui s’épanouit sous Napoléon III. L’épouse de celui-ci, l’Impératrice Eugénie de Montijo, d’origine espagnole, affectionne15 les dentelles noires, dont elle lance la mode.

Histoire de la porcelaine

La porcelaine de Chantilly est encore aujourd’hui une activité vivante qui s’inscrit dans la tradition de Chantilly.

Elle est née dans les années 1730 grâce à Louis-Henri de Bourbon qui décide de se lancer dans l’aventure. Toute d’élégance et de bon goût, la porcelaine de Chantilly se distingue d’emblée16 par son extrême raffinement et la qualité de sa pâte céramique. La ligne simple s’inspire directement du style oriental qui contraste avec les productions chargées de l’époque. C’est l’apogée du style japonais «Kakiémon» et de son décor polychrome.

Après la mort du prince, la porcelaine de Chantilly évolue et revient à des tendances plus classiques avec le décor à la «brindille»,17 en camaïeu18 de bleu.

Depuis quelques années, la porcelaine de Chantilly revit notamment grâce à la réouverture d’une nouvelle boutique atelier où ne sont vendus que des articles peints à la main et où il est possible de voir travailler des peintres sur porcelaine.

Histoire de la crème

Les Trois Graces de Raphael

Les Trois Graces de Raphael

C’est certainement grâce à elle que Chantilly est connue dans le monde entier puisque partout, on consomme avec plaisir cette délicieuse composition à l’origine bien mystérieuse.

Il y a au moins deux versions de l’invention de la crème. Beaucoup croient que l’auteur du célèbre dessert est Vatel. Si c’est ainsi, il faut alors avouer que la crème Chantilly n’a pas été inventée à Chantilly. Pour la première fois Vatel sert «sa nouveauté mousseuse, sucrée, parfumée et fouettée» le 17 août 1661, quand Louis XIV, la Reine mère et toute la cour visitent Nicolas Foucquet à Vaux-le-Vicomte19 où Vatel est maître d’hôtel. C’est seulement après son exil en Angleterre et en Flandres résultant de l’arrestation de Foucquet, que Vatel est nommé contrôleur général chez le prince de Condé et se trouve alors à Chantilly.

Selon l’autre légende, la crème Chantilly est née d’un incident de cuisine. Lors d’un repas, la crème fraîche20 aurait manqué, alors un marmiton21 dont le nom ne nous est pas parvenu, aurait eu l’idée de la fouetter pour en augmenter le volume et servir tous les invités.22

Histoire des écuries

Yves Bienaime

Yves Bienaime

Les Grandes Ecuries sont vraiment grandes: 4000 mètres carrés! Ce chef-d’œuvre architectural du style Renaissance a été construit à la demande de Louis-Henri de Bourbon qui croyant se réincarner23 en cheval, s’est adressé à l’architecte Jean Aubert pour édifier des écuries dignes24 de son rang.

Ici le jeune passionné des chevaux Yves Bienaimé fréquentait sa première école d’équitation pour devenir à 25 ans le plus jeune écuyer25 de France. C’est ici — dans les Grandes Ecuries — qu’il a créé en 1982 le Musée vivant du Cheval.

Aujourd’hui, c’est une véritable institution de renommée internationale que tout amoureux du cheval se doit de connaître.26 Il attire en moyenne 150.000 visiteurs par an, étant ainsi le lieu hippique le plus fréquenté au monde. Ce succès, il le doit à son côté à la fois vivant et pédagogique. Pour connaître le cheval, il faut d’abord pouvoir le regarder vivre. A part27 ses 31 salles d’exposition, le musée présente une trentaine de chevaux vivants de races différentes. Tout au long de la journée, on anime des spectacles thématiques et des «représentations pédagogiques» au cours desquelles chaque exercice de dressage est commenté.

Grâce à son musée et à son hippodrome, la ville est devenue le centre européen du cheval. Les courses de chevaux attirent les foules et brillent d’un éclat mondain.28 Tous les ans, 6 réunions29 se disputent à Chantilly dont 2 grands prix internationaux de très haut prestige.

Tout au long de l’année, plus de 3000 pur-sang30 sont entraînés chaque matin sur les pistes de Chantilly. Plus d’un millier de personnes vivent ainsi du cheval.

Toute petite ville à 40 km au Nord de Paris. Toute une encyclopédie de la culture française!

Résumette
Situé dans l’Oise, à quarante kilomètres de Paris, la ville de Chantilly est autant un hommage à l’art qu’un hymne à la nature. Construit du XVe au XIXe siècle, le château de Chantilly a appartenu aux Montmorency, aux princes de Condé, puis au duc d’Aumale qui en a fait don à l’Institut de France, après l’avoir aménagé en musée pour y recevoir toutes les collections qu’il avait réunies. Les Grandes Écuries construites à la demande de Louis-Henri de Bourbon au XVIIIe, abritent aujourd’hui le Musée Vivant du Cheval grâce auquel Chantilly a acquis la gloire du centre hippique d’Europe.

1 hippique — конный, имеющий отношение к лошадям
2 fouetté — взбитый
3 connétable (m) — коннетабль; во Франции с XII в. — военный советник короля, начальник королевских рыцарей, с XIV в. — главнокомандующий армией. В 1627 должность коннетабля упразднена. При Наполеоне I были звания великого коннетабля и вице-коннетабля.
4 arrière-petit-fils (m) — правнук
5 jeu (m) d’eau — каскад фонтанов
6 la Nonnette — приток Уазы
7 Vatel — подробно на стр. 25
8 piller — грабить
9 avisé — дальновидный
10 léguer — передавать по завещанию
11 en grisaille — в серых тонах
12 boiseries (f, pl) — элементы отделки интерьера деревом
13 fuseau (m) — веретено
14 bombyx (m) [-ks] — шелкопряд
15 affectionner — отдавать предпочтение
16 d’emblée — сразу
17 brindille (f) — веточка
18 en camaïeu — сочетание разных тонов одного цвета
19 Vaux-le-Vicomte — замок в департаменте Сена-и-Марна, владельцем которого был суперинтендант Николя Фуке
20 crème (f) fraîche — сметана
21 marmiton (m) — поварёнок
22 рецепт на стр. 29
23 se réincarner — перевоплотиться (после смерти)
24 digne — достойный
25 écuyer (m) — зд. тренер верховой езды
26 se doit de connaître — должен знать (по внутренним убеждениям)
27 à part — кроме
28 mondain — светский
29 réunion (f) — зд. конные бега
30 pur-sang (m) — чистокровная лошадь

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