Le yoga
Quoique tout le monde ait entendu parler du yoga, un très grand nombre essayant même de le pratiquer, ce n’est pas facile de répondre à la question : Qu’est-ce que c’est que le yoga ? Même dans le monde contemporain, il faut expliquer que le yoga n’est ni sectarisme ni occultisme (comme sont parfois persuadés même les plus instruits), ni gymnastique ni sport. Le yoga est un art.
C’est un système de la cultivation intégrale du corps et de l’esprit. Le mot lui-même, provenant de la racine sanskrite yuj «réunir» et étant ancêtre lointain de jungere latin et joindre français, veut dire que tous les éléments de la pratique doivent être réunis.
Le yoga a apparu au sein de la culture védique1 dont les rites exigeaient des prêtres une intense attention constante. Peu à peu, le syncrétisme2 mystique se dépiautant3, le yoga est devenu accessible à tous. A présent, il est envisagé comme un système à la fois philosophique et religieux.
En gros, on pourrait distinguer trois types de yoga : indien, tibétain et daossien. Quoique leurs méthodes, approches pratiques et principes philosophiques varient, ils prennent leur source, sans aucun doute, dans le même fond culturel, mettant en avant le but de la complète réalisation spirituelle d’un individu, ou, dans la terminologie yogique4 : Eveil et Illumination.
Les représentants de différents courants yogiques ont parfois beaucoup de débats entre eux, chacun défendant le droit de son école d’être la plus universelle. Ces discussions touchant plutôt des minuties peu perceptibles5, on peut résumer ainsi toutes les divergences6 : tout système doit être appliqué individuellement à chaque pratiquant. Tout peut dépendre de l’humeur à une certaine heure, du sexe, de l’âge, du type de caractère, ou même de la situation géographique, politique et du fond des évènements historiques.
La tradition indienne, la plus répandue maintenant à l’Ouest, dont les bases avaient été fondées au IIe siècle de notre ère par Patanjali dans son traité Yoga-Sutra, distingue huit étapes du développement. T.K.V. Desikachar, un des plus respectés maîtres du yoga du XXe siècle, précise que ce sont : le yama (contrôle des actions : absence de violence, véridicité7, abstention8 du vol, mouvement vers l’essence des choses, absence du désir d’acquérir), le niyama (l’autodomptement : capacité d’être content de ce qui est donné, propreté du corps, mouvement vers soi-même, sacrifice de toutes les actions au nom de Dieu).
Les asanas sont la troisième étape qui est le plus souvent associée avec le yoga comme tel (voir le hatha-yoga de Siderski en Russie qui montre les postures9 les plus incroyables). Le but final est d’apprendre à tenir le corps correctement et sans moindre inconfort (la quantité des postures varie de 84 à 84000 selon la tradition). Il y a quand-même un gouffre10 entre la gymnastique et une posture consciencieusement contrôlée jusqu’à la respiration des pores. Cette différence est cruciale11 : le sportif traite ses muscles avec violence, tandis que le yogi12 leur donne la souplesse et la force en dialoguant toujours avec son organisme. Pour cette raison de violence, les sportifs annoncent à 35 ans au plus tard qu’ils quittent le grand sport, tandis que les yogis pratiquent jusqu’à 101 ans comme Krisnamacarya (1888-1989).
Le pranayama, la quatrième étape, est le contrôle absolu de la respiration qui détermine notre bonne santé et longévité13 : le rythme de la respiration doit être peu à peu ralenti.
Le pratyahara, contrôle des sentiments au profit de la connaissance ; le dharana, capacité de tenir l’attention sur un objet ; le dhyana, capacité de non seulement se concentrer sur un objet mais aussi de recevoir sa rétroaction14 ; le samadhi, état de transe religieuse où le pratiquant s’unifie avec l’objet : ces quatre étapes apprennent l’art de méditer dans le sens que nous entendons d’ordinaire.
La méditation est très souvent accompagnée des chants d’un mantra, texte sacré, équivalent à la prière (dont le plus célèbre est la syllabe sacrée om qui, hypothétiquement, a la même racine que le mot amen), et de la contemplation15 d’un yantra, dessin en ornements sophistiqués, prototype de l’icône.
Avant que la Chine n’ait envahi la Lhassa en 1949, la tradition tibétaine demeurait presque inconnue en dehors de cette région fermée. Malgré les souffrances que le régime d’occupation a apportées aux Tibétains (voir le film d’Arnaud Desjardins Le Message des Tibétains, 1965-1966), la culture mondiale en a profité pour prendre connaissance de ce type de yoga.
Le yoga tibétain est représenté par deux grandes écoles, rivales entre elles : bonnets rouges (école Karma-Kagyu) et bonnets jaunes (école Nyingma).
Le leader spirituel des bonnets jaunes est un des plus grands intellectuels d’aujourd’hui, maître largement respecté, le Dalaï-Lama XVI (Prix Nobel de la Paix 1989). La priorité de son école est l’accumulation des connaissances philosophiques. Ses représentants sont persuadés que l’Illumination et l’Eveil peuvent être acquis à travers la lecture et l’étude des textes sacrés et à travers les débats philosophiques.
Les bonnets rouges, avec leur leader spirituel Karmapa, sont concentrés plus sur la pratique et les rites16 (asanas, mantras, yantras, méditation). Un des plus grands théoriciens du yoga tibétain d’aujourd’hui est Kalou Rinpotché ; l’ancien livre sacré est le Livre des morts tibétain. Cette tradition est étroitement liée avec le tantrisme bouddhique17. Pour pratiquer, le refuge (initialisation, pareille en quelque mesure au baptême) est obligatoire : sinon, les pratiques seront peu efficaces. Le refuge consiste à accepter les quatre principes fondamentaux : Bouddha, Dharma, Sangha et Lama.
La tradition daossienne (du mot chinois dao «chemin») est basée sur les principes quelque peu différents, mais l’essentiel demeure le même. Les termes proviennent de la langue chinoise et désignent presque la même chose que leurs équivalents sanskrits et tibétains. Cette tradition, enracinée dans les arts martiaux, est connue à l’Ouest grâce à la popularité des qigong, kungfu et taijichuan, aussi que grâce aux manuels de Mantak Chia. Pourtant les Daossiens réduisent la composante philosophique et religieuse au minimum, traitant les notions les plus mystiques dans les termes matérialistes. Le yoga daossien est, par conséquent, un corps de normes prescriptives du comportement et développement.
Le Dalaï-Lama XVI a dit : La seule attitude combative acceptable, c’est de reconnaître ses propres talents et de travailler avec une détermination inébranlable. Si vous pratiquez, n’oubliez pas que le fanatisme est incompatible18 avec toute pratique. Le yoga n’en est pas l’exception : la quantité ne veut pas dire la qualité.
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Résumette
Le yoga a apparu au sein de la culture védique dont les rites exigeaient des prêtres une intense attention constante. Peu à peu, le syncrétisme mystique se dépiautant, le yoga est devenu accessible à tous. On distingue trois types de yoga : indien, tibétain et daossien. Quoique leurs méthodes, approches pratiques et principes philosophiques varient, ils prennent leur source dans le même fond culturel, mettant en avant le but de la complète réalisation spirituelle d’un individu : Eveil et Illumination.
1 culture (f) védique — ведическая культура, ранняя стадия формирования культуры Древней Индии
2 syncrétisme (m) — синкретизм, слияние разнородных элементов, напр. различных культур, религий
3 se dépiauter — распадаться на части
4 yogique — относящийся к йоге
5 minutie (f) peu perceptible — едва заметный нюанс
6 divergence (f) — различие
7 véridicité (f) — правдивость
8 abstention (f) — воздерживание
9 posture (f) — положение тела, поза
10 gouffre (m) — (перен.) пропасть
11 crucial — решающий
12 yogi (m) — йог
13 longévité (f) — долголетие
14 rétroaction (f) — обратная связь
15 contemplation (f) — созерцание
16 rite (m) — обряд, ритуал
17 tantrisme (m) bouddhique — буддийский тантризм, индийское религиозно-философское учение
18 incompatible — несовместимый