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Les dieux ont soif

Anatole France

Anatole France

Anatole François Thibaut dit Anatole France (1844-1924) est né à Paris d’un père libraire. Anatole France s’exprime dans un style clair, empreint de scepticisme et d’ironie. Il connut de nombreux succès notamment le Crime de Sylvestre Bonnard (1881), Le Lys rouge (1894), Les dieux ont soif (1912) etc. Il entre à l’Académie française en 1896 et reçoit le prix Nobel de littérature en 1921.

Nous proposons un extrait de son roman Les dieux ont soif. Salué par un immense succès, ce livre est considéré comme un chef-d’œuvre. On peut s’étonner de voir Anatole France jeter un regard critique sur la Révolution française.

Le héros du roman est un peintre Evariste Gamelin qui est un artiste médiocre mais un homme passionné et intransigeant1. Il est ardemment attaché aux idées révolutionnaires et admire sans réserve2 Maximilien Robespierre. La scène ci-dessous se passe peu avant l’exécution du «père de la patrie» dont Evariste partagera le sort.

Les dieux ont soif

Tandis que le soleil de thermidor se couchait dans une pourpre sanglante, Evariste errait, sombre et soucieux, par les jardins Marbeuf, devenus propriété nationale et fréquentés des Parisiens oisifs. On y prenait de la limonade et des glaces; il y avait des chevaux de bois3 et des tirs pour les jeunes patriotes. Sous un arbre, un petit Savoyard en guenilles4, coiffé d’un bonnet noir, faisait danser une marmotte5 au son aigre de sa vielle6. Un homme, jeune encore, svelte, en habit bleu, les cheveux poudrés, accompagnéd’un grand chien, s’arrêta pour écouter cette musique agreste7. Evariste reconnut Robespierre. Il le retrouvait pâli, amaigri, le visage durci, et traversé de plis douloureux. Et il songea: «Quelles fatigues, et combien de souffrances ont laissé leur empreinte sur son front? Qu’il est pénible de travailler au bonheur des hommes! A quoi songe-t-il en ce moment? Le son de la vielle montagnarde le distrait-il du souci des affaires? Pense-t-il qu’il a fait un pacte avec la mort et que l’heure est proche de le tenir8? Médite-t-il de rentrer en vainqueur dans ce Comité de Salut public dont il s’est retiré, las d’y être tenu en échec9, avec Couthon et Saint-Just, par une majorité séditieuse10? Derrière cette face impénétrable quelles espérances s’agitent ou quelles craintes?

Pourtant Maximilien sourit à l’enfant, lui fit d’une voix douce, avec bienveillance, quelques questions sur la vallée, la chaumière, les parents que le pauvre petit avait quittés, lui jeta une petite pièce d’argent et reprit sa promenade. Après avoir fait quelques pas, il se retourna pour appeler son chien qui, sentant le rat, montrait les dents à la marmotte hérissée.

— Brount! Brount!

Puis il s’enfonça dans les allées sombres.

Gamelin, par respect, ne s’approcha pas du promeneur solitaire; mais, contemplant la forme mince qui s’effaçait dans la nuit, il lui adressa cette oraison11 mentale:

«J’ai vu ta tristesse, Maximilien; j’ai compris ta pensée. Ta mélancolie, ta fatigue et jusqu’à cette expression d’effroi empreinte dans tes regards, tout en toi dit: «Que la terreur s’achève et que la fraternité commence! Français, soyez unis, soyez vertueux, soyez bons. Aimez-vous les uns les autres…» Eh bien! je servirai tes desseins12 ; pour que tu puisses, dans ta sagesse et ta bonté, mettre fin aux discordes civiles, éteindre les haines fratricides13, faire du bourreau un jardinier qui ne tranchera plus que les têtes14 des choux et des laitues, je préparerai avec mes collègues du Tribunal les voies de la clémence15, en exterminant les conspirateurs et les traîtres. Nous redoublerons de vigilance16 et de sévérité. Aucun coupable ne nous échappera. Et quand la tête du dernier des ennemis de la République sera tombée sous le couteau, tu pourras être indulgent sans crime et faire régner l’innocence et la vertu sur la France, ô père de la patrie!»

L’Incorruptible était déjà loin. Deux hommes en chapeau rond et culotte de nankin17, dont l’un, d’aspect farouche, long et maigre, avait un dragon sur l’œil et ressemblait à Tallien18, le croisèrent au tournant d’une allée, lui jetèrent un regard oblique et, feignant de ne point le reconnaître, passèrent. Quand ils furent à une assez grande distance pour n’être pas entendus, ils murmurèrent à voix basse:

— Le voilà donc, le roi, le pape, le dieu. Car il est Dieu. Et Catherine Théot19 est sa prophétesse.

— Dictateur, traître, tyran ! il est encore des Brutus20.

— Tremble, scélérat21! la roche Tarpéienne22 est près du Capitole.

Le chien Brount s’approcha d’eux. Ils se turent et hâtèrent le pas.

La Guillotine

La Guillotine

La Guillotine

Le 28 novembre 1789, le docteur Joseph Guillotin et le chirurgien Antoine Louis présentent une machine destinée à la décapitation des condamnés.

Inspirée d’un dispositif déjà connu en Italie, elle assure selon ses promoteurs une mort sans souffrance à la différence de la pendaison, de la décapitation à la hache, etc.

Selon le docteur Guillotin, député du Tiers Etat de Paris à l’Assemblée constituante, elle doit aussi introduire l’égalité de tous les citoyens face à la peine capitale. Le 6 octobre 1791, une loi édicte que «tout condamné à mort aura la tête tranchée». Dans la foulée, l’Assemblée législative demande au docteur Guillotin et au chirurgien Louis d’améliorer la machine à couper les têtes.

Antoine Louis perfectionne la machine avec le concours d’un mécanicien allemand, Schmitt. Il remplace en particulier le couperet en forme de croissant par un couperet en forme de trapèze. L’idée viendrait, dit-on, du roi Louis XVI, habile serrurier de son état. Un voleur de grand chemin en fera les frais pour la première fois le 25 avril 1792. Pendant la Grande Terreur, en 1793 et 1794, près de 20.000 innocents auront aussi à la connaître.

Baptisée «guillotine» (de préférence à «louisette» ou «louison»!), la machine sera surnommée «La Veuve» dans l’argot des rues. Elle recueillera en France un vif succès jusqu’au 10 septembre 1977, date de la dernière exécution.

1 intransigeant — непреклонный, непримиримый
2 sans réserve — безоговорочно
3 chevaux (m, pl) de bois — карусель
4 en guenilles (f, pl) — в лохмотьях
5 marmotte (f) — сурок
6 vielle (f) — виола
7 agreste — деревенский; грубый
8 tenir (le pacte) — выполнять условия (договора)
9 tenir qqn en échec — мешать чьему-либо успеху
10 séditieux — бунтарский, подстрекательский
11 oraison (f) — (уст.) речь
12 dessein (m) — замысел
13 fratricide — братоубийственный
14 tête (f) — (здесь) кочан
15 clémence (f) — милосердие
16 redoubler de vigilance — усилить бдительность
17 nankin (m) — нанка; светло-желтая хлобчато-бумажная ткань
18 Tallien (Jean Lambert) — депутат Конвента из левой фракции (монтаньяров)
19 Catherine Théot — (1716/1-9-1794) прорицательница, увидевшая в Робеспьере Мессию
20 Brutus — Брут (Марк Юний), в Древнем Риме возглавил (вместе с Кассием) заговор в 44 г. против Юлия Цезаря
21 scélérat (m) — злодей, негодяй
22 roche (f) Tarpéienne — Тарпейская скала (крутой склон Капитолийского храма, служивший в Древнем Риме местом казни)

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