Pourquoi un homme est dans le show-biz? Pourquoi se produire en public, tourner un film ou animer une émission de télé? Pour mettre en relief son individualité, faire reconnaître son talent et obtenir, enfin, la popularité. On sait que le point final d’une carrière artistique est de devenir une star internationale.
S’il s’agit du cinéma, l’Hollywood en étant la Mecque, il est impossible de s’imposer comme vedette mondiale sans participer à une production américaine. Certains cinéastes et acteurs français cosmopolites ont pu devenir des emblèmes du cinéma «made in France» partout dans le monde: Luc Besson, Gérard Depardieu, Isabelle Adjani, Christophe Lambert et le porteur du beau visage de la une, Jean Reno, bien sûr.
Né à Casablanca, au Maroc, le 30 juillet 1948, Jean Reno a eu pour première nationalité la nationalité espagnole, puisque ses parents sont castillans et que son véritable nom n’est autre que Don Juan Moreno Errere y Rimenes. Voilà ce qu’il raconte de cette période de sa vie:
«En 60, j’ai 12 ans, on monte une pièce de théâtre en cours de français. L’ambiance des loges, les odeurs, le bois, le maquillage… La révélation. On aimait Kirk Douglas, Brando, James Dean, Fernandel, Jouvet, Bourvil. C’était déjà le cinéma à deux visages: l’américain et le français. Puis le conservatoire à Casa. C’était assez pauvre, à tous les niveaux. Déjà, on rêvait de Paris en lisant «France Soir»… La plupart de mes amis de l’époque étaient dans la musique. Il y en a un qui est guitariste à New York, d’autres qui sont dans les affaires. Ils sont restés mes amis.»
Après son service militaire, il s’installe définitivement en France à l’âge de 17 ans afin d’échapper au régime fasciste de Franco. D’emblée, il décide d’entamer une carrière d’acteur et se lie d’amitié avec le comédien Didier Flamand.
Avec Didier Flamand, ils montent une compagnie itinérante et font le tour de la France. Jean Reno fait aussi le tour des castings et décroche plusieurs petits rôles dans des productions aussi différentes que «L’hypothèse du tableau volé», de Raoul Ruiz, ou «Clair de femme», de Costa-Gavras. C’est sur le tournage des «Bidasses aux grandes manœuvres», de Raphaël Delpard, que Reno fait la connaissance de Luc Besson, alors assistant réalisateur.
«Les bidasses, ça va être quelque chose! Le scénario est fantaisiste, le metteur en scène dépassé et la production radine au-delà de l’imaginaire. Le tournage se fait dans l’improvisation, la démerde et surtout la franche rigolade. Luc est partout, premier arrivé, dernier parti. Et moi aussi avec ma tenue et mon képi, deux heures avant le Moteur. Rien que pour cela, on se sent déjà complices. A la sortie, «Les Bidasses aux grandes manœuvres» allonge la liste des nanars de l’année, mais je m’en fous. Ce film est le début d’une énorme amitié et d’une grande aventure partagée, et, pour moi, le carrefour de ma vie de comédien», dit Reno.
Le duo ne se quittera plus, l’un devenant l’acteur fétiche de l’autre et vice-versa. Guerrier apocalyptique dans «Le Dernier Combat», batteur muet dans «Subway», plongeur émérite dans «Le Grand Bleu», liquidateur dans «Nikita», Reno est de tous les Besson. Mais il tourne aussi ailleurs: catcheur dans «L’homme au masque d’or», inventeur fou dans «Loulou Graffiti».
Mais son rôle le plus important, il le trouve en 1993 avec «Léon», du même Besson.
Léon est un tueur qui vit seul, boit du lait, et entretient avec amour une plante verte. A peu près illettré, il n’en reste pas moins redoutable et insaisissable. Tout change quand un jour, Mathilde, une petite fille de 12 ans, entre dans sa vie. Un bouquet de violence et de vitalité qui ne peut sans aucun doute laisser indifférent. Jean Reno se fait parler dans les milieux cinéastes, et sept nominations aux César 1995 le feront connaître dans le monde entier en lui ouvrant les portes de Hollywood.
Il a le bon feeling en signant pour un film alors intitulé «Les explorateurs de Louis VI le Gros», et qui deviendra bien vite «Les Visiteurs» avant de battre des records d’audience dans les salles françaises et qui nous vaudra une suite cinq ans plus tard, et une version US en 2000. On prend les mêmes et on recommence. Devant les caméras du réalisateur Jean-Marie Poiré, il y aura de nouveau Christian Clavier et Jean Reno, les fameux héros des deux précédents épisodes, «Les Visiteurs» (1993) et «Les Visiteurs 2: les couloirs du temps» (1998), pour le tournage d’une version américaine, produite par la Gaumont avec un budget de 65 millions de dollars! Soit 5 millions de plus que le nouveau Luc Besson, «Jeanne d’Arc». Ainsi donc, après avoir attiré plus de vingt-deux millions de spectateurs en France, le trio Poiré-Clavier-Reno s’est laissé convaincre par des «Visiteurs» made in USA. Ni suite ni remake, ce film racontera une histoire nouvelle, écrite par John Hugues. Cette fois-ci, les deux acteurs seront transportés de la cour du roi d’Angleterre au Chicago d’aujourd’hui par la volonté d’un magicien. Autrement dit, ils plongeront du Moyen Âge à cette fin du XXe siècle. Le tournage de «The Visitors» s’est déroulé durant deux mois et demi à Chicago et ensuite en Grande-Bretagne. Le film est sorti dans les salles au premier semestre de l’an 2000.
Outre «Mission: Impossible» et la comédie romantique «Pour l’amour de Roseanna», tournée en Italie pour un studio américain, il est au générique de «Godzilla», de Roland Emmerich, et figure au somptueux casting de «Ronin». En septembre 2000, il apparaît dans «Les rivières pourpres», produit pour un budget de 85 millions de francs. Ce thriller nous raconte l’histoire de deux inspecteurs très différents, qui enquêtent séparément sur une série de meurtres particulièrement violents.
Quant à ses projets pour l’avenir, après «Godzilla» et «Ronin», Jean Reno pourrait bien à nouveau s’illustrer dans une production américaine. Cette fois-ci, le héros de Léon est prêt à incarner le » bad guy » dans «Rollerball». C’est John McTiernan (Thomas Crown) qui s’attellera au remake du film réalisé par Norman Jewison en 1971. Pour rappel, le Rollerball est un sport ultra-violent qui oppose deux équipes montées sur patins à roulettes, et ce jusqu’à ce que la mort s’en suive. La nouvelle version, qui se déroule en 2005, a été adaptée par le scénariste John Pogues et devrait rester relativement fidèle ? l’originale.
Aujourd’hui, au seuil du nouveau millénaire, Jean Reno est devenu un emblème pour le cinéma français. D’ailleurs, le président français, Jacques Chirac, l’a nommé Chevalier de la Légion d’honneur lors du défilé du 14 juillet 1999.