Au Moyen-Age, les seigneurs de Tours construisent un château sur une île au milieu de l’Indre1 pour protéger le passage de la route menant de Tours à Chinon. En 1119, le seigneur Ridel d’Azay donne à la ville son nom d’Azay-le-Rideau.
L’apparence2 actuelle du château date de cette formidable période de créativité architecturale que fut le début du règne de François Ier. Jusqu’alors le château avait un but défensif et ressemblait à toutes les forteresses de la régions : pont-levis3 et mâchicoulis4. En outre son architecture renvoyait l’image de la puissance du seigneur qui en était le maître.
A la fin du XVe siècle, l’architecture des demeures françaises seigneuriales va évoluer. Les bâtisseurs s’entourent d’artistes italiens et le château d’Azay-le-Rideau s’inscrit dans cette évolution primordiale de l’architecture royale.
En 1515, Gilles Berthelot hérite cette demeure fortifiée de son père et débute les modifications de l’édifice en manifestant son engouement5 pour la Renaissance italienne. Il fait construire deux autres logis6 avec quatre tours qui donnent à l’ancienne forteresse sa forme en «L». Cet édifice inaugure ainsi l’ère des demeures de plaisance7 qui allient le charme du château à la française à la majesté8 des palais italiens. Le plan architectural évolue ainsi autour d’une vaste cour lumineuse. L’eau, qui isole l’édifice, prend alors une place prépondérante9 dans l’harmonie de l’ensemble.
Gilles Berthelot conserve une certaine continuité10 dans la tradition médiévale en gardant les tourelles d’angles et le chemin de ronde11 sur les murs extérieurs, tout en cédant12 à l’influence italienne par la répartition symétrique des ouvertures13 qui confèrent aux façades une ordonnance régulière.
Le monumental escalier droit concentre l’essentiel du très riche décor sculpté. Il est la principale innovation et l’élément de prestige de l’édifice. L’escalier est ouvert sur la cour d’honneur par des loggias14 et sur le paysage côté parc par de grandes baies13. Il innove15 par sa forme, mais également par sa position dans le corps principal du bâtiment. Ses quatre niveaux de baies cintrées16 et jumelées17 marquent les demi étages.
Mais Gilles de Berthelot ne va pas pouvoir poursuivre son œuvre : il meurt en 1529.
François Ier confie le domaine à Antoine Raffin, capitaine des gardes, qui a combattu à ses côtés en Espagne. Le château ne sera effectivement occupé par son nouveau propriétaire qu’en 1547, après avoir été en grande partie délesté18 de ses richesses par un intendant peu délicat.
La petite-fille de Raffin, Antoinette, s’installe à Azay-le-Rideau en 1583, dans le contexte troublé19 des Guerres de Religion, après avoir été dame d’honneur20 à la Cour auprès de Marguerite de Valois.
Fortunée21, Antoinette redonne son éclat au château, qui sera tour à tour remis au goût du jour, puis délaissé par ses héritiers.
Le château restera propriété de la famille Raffin jusqu’à la Révolution.
En 1791, il est acheté par le marquis Charles de Biencourt. Son fils, Armand François, se lance dans la restauration du château. L’entreprise bénéficie dès 1840 des subsides des Monuments historiques. Il procède à des aménagements extérieurs et intérieurs très importants et supprimera les derniers vestiges du Moyen-Age. En 1845, la dernière tour subsistante de l’ancienne forteresse est détruite et il fait construire les deux tours qui, désormais, ponctuent22 les angles des façades sur cour.
L’unité stylistique, ainsi créée, rompt définitivement avec l’aspect antérieur. La bibliothèque et le grand salon sont à la même époque décorés dans le style néo-renaissance. Le site lui-même est redessiné en un grand parc paysager23. Au sud et à l’ouest, sont aménagés deux miroirs d’eau dans lesquels se reflètent les façades.
En 1899, après le Second Empire, le dernier marquis de Biencourt, ruiné24, doit vendre les terres et le mobilier du château.
L’Etat, quant à lui, rachète le château vidé de son mobilier et dépourvu de terre en 1905. De nouveaux travaux de rénovation sont entamés dès 1907.
Les espaces intérieurs offrent un voyage dans la vie du monument depuis la Renaissance aux différents moments de son histoire.
Situé à l’opposé de la bibliothèque, le salon plonge son visiteur dans une atmosphère confortable et conviviale. Les fenêtres, ornées de vitraux, ouvrent25 sur la rivière et le parc aménagé par les Biencourt. Les grands tableaux et portraits royaux que l’on peut y admirer renvoient à l’époque des Valois, alors que la construction du château était en cours d’achèvement.
Après avoir franchi le vestibule et le palier desservant le rez-de-chaussée, puis gravi le grand escalier, on pénètre dans l’antichambre de l’appartement réservé au roi. Plusieurs portraits viennent y rappeler les rois les plus attachés à l’histoire d’Azay : François Ier, Henri III et Louis XIII qui séjourna au château. Les tentures26 rouge et or de la pièce évoquent également la grandeur qui fut celle de ce château.
Parmi les meubles de la grande chambre se trouve un cabinet en poirier noirci27 orné de scènes gravées sur ivoire28, représentant la Guerre de Trente Ans29. Vous pourrez également y admirer une suite de tapisseries30 datant du règne de Louis XIII.
En rebroussant chemin31, on retrouve le palier du grand escalier que l’on emprunte pour accéder à la loggia supérieure. La montée des marches s’effectue sous le regard des personnages sculptés dans les médaillons de la voûte.
On revient au 1er étage pour entrer dans la grande salle, où étaient autrefois donnés bals et festins. La salamandre, symbole de François Ier, peinte sur la cheminée monumentale et la frise de feuillages sous les moulures32 laissent imaginer ce qu’aurait été la décoration de la salle une fois achevée. La grande salle possède des tapisseries parmi les plus belles du château, datant des XVIe et XVIIe siècles.
Après avoir traversé un étroit cabinet, on pénètre dans une chambre dont les fenêtres donnent25 sur cour et sur jardin. Les tapisseries et les meubles, notamment le cabinet aux portes sculptées, évoquent l’attraction33 qu’exerçait la Renaissance italienne sur les courtisans34 au XVIe siècle.
A la fois musée et monument historique, le château d’Azay-le-Rideau s’impose aujourd’hui comme un des lieux de mémoire essentiels du Val de Loire.
Résumette
C’est dans l’élan créatif des premières années du règne de François Ier qu’a été édifié le château d’Azay. Situé en Touraine, sur une île au milieu de l’Indre, il s’inscrit dans la prestigieuse lignée des châteaux du Val de Loire, où les rois de France se plaisent à résider durant un siècle. Azay-le-Rideau semble être un joyau architectural de la Renaissance. Pourtant, la traversée des siècles lui fait connaître bien des visages successifs. Gilles Berthelot, riche trésorier de France, conçoit le projet » d’agrémenter » une maison-forte médiévale, travaux que parachève Antoine Raffin. Son architecture présente une alliance parfaite d’éléments traditionnels et de traits empruntés à l’art italien.
1 l’Indre — Эндр, левый приток Луары
2 apparence (f) — внешний вид, облик
3 pont-levis (m) — подъёмный мост
4 mâchicoulis (m) — бойница
5 engouement (m) — пристрастие
6 logis (m) — (зд.) жилое помещение
7 demeure (f) de plaisance — загородный дом, предназначенный для удовольствия, развлечения
8 majesté (f) — величественность
9 prépondérant — преобладающий
10 continuité (f) — связь, преемственность
11 chemin (m) de ronde — дозорный путь
12 céder à — подчиняться, уступать
13 ouverture (f) = baie (f) — проём (дверной или оконный)
14 loggia (f) — лоджия
15 innover — вводить новшества
16 cintré — сводчатый, дугообразный
17 jumelé — спаренный
18 délester — обокрасть
19 troublé — беспокойный, смутный
20 dame (f) d’honneur — придворная дама, фрейлина
21 fortuné — зажиточный, богатый
22 ponctuer — подчёркивать
23 paysager — ландшафтный
24 ruiné — разорившийся
25 ouvrir sur = donner sur — выходить на
26 tenture (f) — обивка, драпировка
27 poirier (m) noirci — чернёная древесина грушевого дерева
28 ivoire (m) — слоновая кость
29 la Guerre de Trente Ans — Тридцатилетняя война (1618-1648)
30 tapisserie (f) — гобелен
31 rebrousser chemin — вернуться назад
32 moulure (f) — лепной орнамент
33 attraction (f) — притягательная сила
34 courtisan (m) — придворный