L’architecture populaire
Il est assez difficile de définir ce qu’on entend par l’expression d’architecture populaire, car, à proprement parler, ce n’est pas un terme de la théorie architecturale. La plupart des théoriciens de l’architecture abordent cette question d’une façon superficielle et assez rarement, se bornant tout simplement aux remarques que tel ou tel type de bâtisse non-professionnelle a été édifié sur un territoire donné avant les constructions solides.
Très souvent, ce que nous entendons par architecture populaire rend compte de la couleur locale par laquelle les offices de tourisme essaient d’attirer l’attention des voyageurs sur leur région.
Pourtant ce sont les œuvres de ces architectes amateurs qui ont inspiré et inspirent même aujourd’hui les professionnels qui élaborent des projets sophistiqués de constructions laïques et religieuses. Bâties presque entièrement à l’aide de l’intuition, les maisons rurales, les étables2, les lavoirs3, les clochers, les fontaines de ville, les écuries4, les granges5 sont parfois plus solides que leurs équivalents professionnels.
Cependant, il y a d’autres raisons qui empêchent de définir de façon systématique le patrimoine populaire. Sur le territoire restreint d’un seul pays, même dans les limites d’une seule petite région, les types architecturaux varient tellement qu’il est impossible de faire une classification même approximative.
Donc, sans prétendre à être exhaustifs6 au sujet de l’architecture française populaire, nous essayerons plutôt de faire une brève introduction au problème afin que nos lecteurs, une fois arrivés dans un petit patelin français, puissent prendre connaissance de l’architecture régionale.
Une des inventions françaises qu’on ne voit pas dans d’autres pays est le lavoir (appelé aussi assez souvent lavoir-fontaine). Les lavoirs-fontaines s’inscrivent très harmonieusement dans le paysage campagnard de n’importe quel village et, faute7 d’autres curiosités, servent d’attraits touristiques.
Conçus le plus souvent comme réservoirs d’eau fermés (avec des toits et des murs en pierre brute8 assez solides qui servent à protéger contre la pluie et le vent), les lavoirs étaient une sorte de club féminin, où les femmes de ménage se rassemblaient pour laver le linge et pour discuter des dernières nouvelles de leur coin. Ces constructions avaient donc deux fonctions pratiques : l’une hygiénique et l’autre sociale.
Le lieu pour construire un lavoir était choisi là, où il y avait une source d’eau potable et où l’installation d’une fontaine était possible. La fontaine demeurait au centre d’une petite «place» devant le lavoir, très souvent pavée en pierres. De nos jours, les lavoirs-fontaines se rencontrent en abondance dans la région de la Franche-Comté dans des petits villages, et les plus beaux se trouvent dans le département de la Haute-Saône.
Les régions de Limoges et d’Auvergne sont célèbres par les granges-étables. Sous le même toit, on réunit l’espace de la grange et de l’étable. Selon la région, on distingue deux types structurels.
La grange-étable limousine est un bâtiment bas avec des ouvertures sur une même façade. Les portes d’étable sont situées de part et d’autre de la grande porte charretière9 de la grange qui ouvre sur un vaste espace servant d’aire à battre le blé10 et de remise à charrettes11. Au-dessus des étables sont les fenils12, sur lesquelles on empile la paille et le foin. Les cloisons en planche qui séparent les étables de l’aire centrale, sont bordées de mangeoires13 dans lesquelles on fait tomber d’en haut de la nourriture pour le bétail. On accède aux fenils par une échelle.
La grange-étable dite auvergnate est très fréquente dans cette région où elle utilise le dénivelé14 du terrain. Sa structure à deux niveaux est visible de l’extérieur. D’un côté, et parfois sur le pignon15, s’ouvrent les portes de l’étable, celles de la grange sont placées de l’autre côté. Le bâtiment, souvent très vaste, est divisé par un plancher. L’étable est en bas, la grange, l’aire à battre ou les remises en haut. Les pignons sont parfois consolidés par des pierres boutisses16. On les décore parfois de petites croix de pierre ou formées d’un assemblage de culs de bouteilles17, censées préserver le bâtiment des incendies ou du mauvais sort.
La Provence se vante de ses maisons traditionnelles appelées mas. Pour être considérée comme un mas, une maison doit être orientée dans un certain sens par rapport au vent. Les maisons de ce type varient selon la richesse du propriétaire, mais les traits inhérents restent constants. Marcel Pagnol (voir l’adaptation des livres: Jean de Florette et Manon des sources) place l’action dans les maisonnettes pareilles.
Les mas ont un aspect défensif et servent plutôt à la défense qu’à l’habitation (cette austérité est compte tenu des vents violents qui y soufflent). La construction englobe toujours un étage. Elle peut être modeste ou au contraire aussi imposante qu’une forteresse. Elle se présente face au sud, plus ou moins allongée. Les toits sont à deux pentes. Une façade sud est toujours plus intéressante quand le versant de sa toiture vient y mourir comme pour la cadrer.
La façade nord est pratiquement sans ouverture comme les pignons. Quand on passe devant la façade est, on remarque une ou deux petites fenêtres sans composition particulière. C’est la façade de la pluie, on n’y place des ouvertures que par nécessité ; la façade nord est fermée, sans ouverture si ce n’est de petits fenestrons faisant office18 de ventilation. Façade triste et morne19. A l’ouest, les fenêtres sont aussi rares que celles qui leur sont opposées. On se sent alors porté20 à revenir sur la façade sud pour s’y tenir sur un banc, sous une treille21.
Le fait que ce type d’architecture n’est pas maintenu même au niveau départemental démontre une certaine négligence par rapport à son importance dans le système culturel. Les habitants des communes rassemblent leurs forces, sans attendre de l’aide d’en haut, pour restaurer une bâtisse qui, le plus souvent, n’a aucune valeur au-delà d’un certain village. La richesse de la culture populaire témoigne toujours de la maturité de la conscience historique du peuple.
материал подготовили Всеволод Жаров и Алексей Чернореченский
Résumette
Cet art scientifique — l’architecture — s’apprend dans des grandes écoles. Or, ce sont les œuvres des architectes amateurs qui inspirent les professionnels qui élaborent à leur tour des projets sophistiqués de constructions laïques et religieuses. Bâties presque entièrement à l’aide de l’intuition, les maisons rurales, les étables, les lavoirs, les clochers, les fontaines de ville, les écuries, les granges sont parfois plus solides que leurs équivalents professionnels. Il ne reste qu’à étudier cet héritage populaire qui nous parvient.
1 office (m) de tourisme — турбюро
2 étable (f) — хлев
3 lavoir (m) — место для стирки белья
4 écurie (f) — конюшня
5 grange (f) — гумно (место хранения зерна)
6 exhaustif — самый полный, исчерпывающий
7 faute de — за неимением
8 pierre (f) brute — неотёсанный камень
9 porte (f) charretière — ворота
10 aire (f) à battre le blé — ток (место для молотьбы зерна)
11 remise (f) à charrettes — сарай для тележек
12 fenil (m) — сеновал
13 mangeoire (f) — кормушка
14 dénivelé (m) — разность высот
15 pignon (m) — щипец (верхняя остроугольная часть торцовой стены здания, ограниченная двумя скатами крыши)
16 pierre (f) boutisse — камень, уложенный тычком
17 cul (m) de bouteille — донышко бутылки
18 faire office de — выполнять функцию
19 morne — мрачный, угрюмый
20 on se sent porté à — хочется (что-л сделать)
21 treille (f) — беседка из виноградных лоз