Рекомендована Отделом по культуре
Посольства Франции в России

La Joconde

La Joconde

La Joconde

Il est peu de gens au monde qui ne connaissent ce visage, sur lequel le temps n’a pas de prise1 et qui continue, au fil des siècles, à nous séduire de sa grâce lumineuse et de sa réserve insondable2. Personne ne perce les raisons de cette attirance, mais tout le monde la subit. Léonard de Vinci, pendant qu’il peignait certa dama fiorentina appelée Mona (diminutif de Madonna) Lisa Gherardini, faisait jouer de la musique afin d’éliminer cet aspect mélancolique que les peintres donnent souvent aux portraits. Au bout de six années le maître renonce : le tableau n’est ni achevé ni signé. Le mari, Francesco del Giocondo, ne l’aime pas et refuse de payer sa commande.

Peut-être le portrait n’était-il pas ressemblant. Nous ne le saurons jamais. Par contre, il est certain que Léonard a réussi à fixer sur sa toile l’archétype3 de la Beauté. La Joconde est celle qui sait et celle qui attend, gardant son secret intérieur derrière son regard énigmatique et son sourire qui en dit long4. C’est sans doute pour tenter de percer ce message hors du temps, mais qui semble à chacun si proche et si personnel, que tant de gens (un peu plus de deux millions chaque année) viennent contempler au Louvre le tableau le plus célèbre du monde. C’est à coup sûr parce que la Joconde symbolise la grâce inaltérable5, l’éternel féminin, la patience séculaire, la fidélité du diamant, parce qu’elle évoque la France, que son image se trouve perpétuellement reproduite et détournée6.

La Joconde a inspiré aussi bien les peintres que les caricaturistes, les écrivains que les chansonniers, les musiciens que les publicistes, les cinéastes que les créateurs de cartes postales de collection, une veine7 créative récente dans laquelle elle prolifère8 actuellement sous les variations les plus insolites et les plus déconcertantes9.

A cette «Jocondolâtrie», sorte d’adoration du chef-d’œuvre de Léonard, devait répondre une «jocondologie» ayant pour but de recenser10 méthodiquement les objets, manifestations et détournements dont Mona Lisa est à l’origine. Jean Margat a été le premier à dresser, entre 1945 et 1955, un inventaire de tout ce qui se rapportait à la Joconde. Mais il faudrait posséder le don d’ubiquité11 pour espérer ne manquer aucune des effigies12 jocondiennes qui naissent chaque jour de par le monde. Au musée de Portland dans l’Oregon, aux Etats-Unis, on aurait récemment découvert une authentique «sœur» de Mona Lisa. Au musée du Prado, il est possible de contempler une réplique13 de la Joconde due à un peintre espagnol du XVIe siècle. Lors d’une exposition qui a eu lieu à Paris en 1952, on a dénombré soixante copies anciennes du fameux tableau. On connaît en outre des interprétations libres de la Joconde qui datent de la Renaissance. L’une d’elles est accrochée au musée Condé14 de Chantilly. Une autre figure au musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg.

La foule devant La Joconde

La foule devant La Joconde

Sait-on que la Joconde est également à l’origine de la création de plusieurs pièces de théâtre, de trois opéras, de centaines de chansons et d’un court métrage ? Il faudrait un énorme catalogue pour citer toutes les productions marquées du sceau de la dame florentine. On la trouve tour à tour sur des timbres-poste et des affiches, sur les tee-shirts, sur les emballages d’aliments et de boissons de toutes sortes, de produits de beauté, d’articles pharmaceutiques… Au total, c’est une quantité invraisemblable d’objets les plus divers et les plus inattendus qui utilisent le sourire jocondien comme emblème attractif ou comme image de la France. Le collectionneur Alessandro Vezzosi a rassemblé plus de 4000 pièces qui la concernent : et il s’agit uniquement de documents publicitaires.

Pourquoi tant d’objets si différents empruntent-ils de son mystère et de son charme à la Joconde, se parent-ils15 de son sourire, se recommandent-ils16 de son nom? On ignore encore les lois de ce phénomène d’attraction qui, l’espace d’un instant, fait se rejoindre deux domaines généralement antithétiques17 : la création artistique et les techniques du marketing…

Depuis 1975 environ, un nouveau phénomène est apparu, qui se situe dans l’axe du développement de la cartophilie et de la multiplication des carteries18. La Joconde dans tous ses états apparaît sur les présentoirs19. Des illustrateurs en déforment les traits, changent son visage, sa coiffure, modifient sa tenue vestimentaire, la font lire, fumer, boire, bailler, etc. Les variations sont très nombreuses. Actuellement, les collectionneurs (les «jocondophiles») comptent au minimum deux cents cartes différentes sur ce thème !

Ces pastiches20 plus ou moins audacieux — et originaux — de Mona Lisa sont tirés de 1000 à 4000 exemplaires et leur épuisement est assez rapide. Après quoi d’autres les remplacent. Certaines cartes postales, numérotées et signées, ont un tirage beaucoup plus restreint et ne se trouvent pas dans le commerce. Pour tenter de les obtenir, l’amateur doit consulter les listes d’offres que publient les revues spécialisées.

Ces créateurs de fausses Jocondes ont des précédents illustres. On se contentera de citer celle de Marcel Duchamp et celle dite «Autoportrait» de Salvador Dali. Mais la déformation peut être poussée beaucoup plus loin. Alors, l’harmonie du modèle se mue en une laideur extrême, à travers laquelle cependant on ne manque pas de reconnaître la suave Florentine.

Il en est d’autres dont la transformation n’efface pas le charme : «Félicitations, Mona» de Maït Blehaut, «Mona Beaubourg» de Gilbert Legrand, «La Joconde timbrée» de Paul Pastor, «Momie Lisa» de Lola Munoz-Pons, «Bébé Joconde» de Fernando da Cunha… en constituent quelques exemples parmi tant d’autres !

Qu’ils se révèlent violemment iconoclastes21 ou réalisent des improvisations élégantes, ces graphistes au fond se ressemblent. Ils disent, chacun à leur manière, que se moquer est une façon de montrer que l’on aime. Plus ils parodient et brisent la Joconde, plus ils avivent son image et multiplient son éclat.

D’après REFLET N 20 avril 1987

Résumette
Savez-vous que la Joconde, un des emblèmes de la France, est également à l’origine de la création de plusieurs pièces de théâtre, de trois opéras, de centaines de chansons et d’un court métrage ? Il faudrait un énorme catalogue pour citer toutes les productions marquées du sceau de la dame florentine. On la trouve sur des timbres-poste et des affiches, sur les tee-shirts, sur les emballages d’aliments et de boissons, de produits de beauté… La Joconde continue à séduire. Personne ne perce les raisons de cette attirance, mais tout le monde la subit.

1 avoir prise sur — повлиять на
2 insondable — непостижимый
3 archétype (m) — эталон, образец
4 en dire long — красноречиво свидетельствовать
5 grâce (f) inaltérable — неизменное изящество
6 détourner — искажать
7 veine (f) — вдохновение
8 proliférer — множиться
9 insolite et déconcertante — необычный и приводящий в замешательство
10 recenser — проводить перепись, инвентаризировать
11 ubiquité (f) — способность находиться в разных местах одновременно
12 effigie (f) — изображение
13 réplique (f) — точная копия
14 musée (m) Condé — подробно о музее Конде см. FRAN cité N 14
15 se parer de — украшать себя
16 se recommander de — ссылаться на
17 antithétique — прямо противоположный
18 carterie (f) — торговля почтовыми открытками
19 présentoir (m) — прилавок-витрина
20 pastiche (m) — пародия, подражание
21 iconoclaste — варвар

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