La douce France
Ce qui fait l’unité du Val de Loire, malgré le morcellement historique et une relative variété de paysages, c’est la douceur réputée de son climat et la richesse de ses sites touristiques.
Entre les plateaux boisés de la vallée s’étendent les terres appelées jadis l’Orléanais, la Touraine et le comté d’Anjou, qui ont connu leur période d’apogée sous la Renaissance lorsque les rois de France séduits par le climat et les plaisirs de la chasse, y ont établi leurs résidences.
Chantés par les poètes de la Pléiade, les pays de la Loire se sont modelés sur les courbes du fleuve et de ses affluents où se mirent châteaux, jardins et maisons de pierre blanche, argentés par un soleil paisible.
Les temps troubles
Or, c’était justement cette douceur, cette beauté divine, qui causait toujours de multiples guerres entre les comtes d’Anjou et de Blois.
Quand, au XIIe siècle, le comte d’Anjou Henri II Plantagenêt a hérité la couronne anglaise, l’Anjou a été envahi par Philippe Auguste, roi de France appartenant à la dynastie des Capétiens. Mais plus tard, le descendant d’Henri II — Edouard II a épousé la fille de Philippe le Bel, aussi Capétien, ce qui a servi du prétexte à leur fils Edouard III de revendiquer le trône de France à la dynastie des Valois qui était au pouvoir à l’époque. La guerre dite de Cent Ans a commencé.
Les rois de France sur la Loire
Pendant de longues années de guerre, Paris étant occupé par les Anglais et les Bourguignons, le Val de Loire sert de l’abri à la Couronne française. Charles VII est obligé de déplacer la Cour aux bords de la Loire et de voyager constamment d’un château à un autre ce qui devient la bonne tradition chez tous les souverains français jusqu’au XVIIIe siècle. Partout ils sont à l’aise et font comme chez eux, c’est pourquoi beaucoup de châteaux de la Loire gardent aujourd’hui les souvenirs de leurs multiples habitants du passé monarchique, très importants tous.
La Renaissance
Charles VIII influencé par la Renaissance italienne, fait propager cette nouvelle culture architecturale aux pays de la Loire. Ses successeurs ne font que renforcer les liens entre l’Italie et la France. Henri II a même épousé une fille de la Florence qui, devenue reine, a tant fait pour le développement du Royaume français. C’était Catherine de Médicis.
Le château de Catherine de Médicis
Ne pouvant embrasser d’un seul coup l’histoire de tous les châteaux de la Loire — il y en a plus de soixante — nous ne présentons qu’une seule: celle de Chenonceaux qui est un des plus beaux châteaux, un des plus audacieux et sans aucun doute le plus visité d’aujourd’hui comme du passé. Quelques documents du XIIIe siècle font mention d’une famille de Marques qui possédait de vastes terres en Touraine y compris Bléré, Francueil, Chisseaux et Chenonceaux. Sans vérifier si en effet cette famille était alliée à la maison royale, nous voyons qu’en 1412, Jean de Marques a cédé ses châteaux aux Anglais qui ont été chassés par Charles VII, mais les fortifications se sont brûlées. C’est seulement en 1432 que le roi a autorisé au descendant de Marques de relever le château de Chenonceaux.
La construction n’était pas encore achevée quand le baron Thomas Bohier, général des finances et lieutenant-général des armées du roi, l’a achetée à la famille de Marques et entrepris en 1513 les travaux dont le résultat — le somptueux château édifié sur le pont reliant les rives du Cher — ravit depuis des siècles ses visiteurs et propriétaires parmi lesquels étaient Diane de Poitiers, Catherine de Médicis, Louise de Lorraine et la duchesse de Mercœur. N’est-il pas clair pourquoi on appelle souvent Chenonceaux le «Château des Dames»?
Au XVIe siècle, Chenonceaux est devenu célèbre de ses fêtes que la reine Catherine de Médicis organisait en l’honneur de ses importants visiteurs.
En mars 1560, François II et Marie Stuart se sont rendus à Chenonceaux. Le bal donné en leur honneur n’a terminé que le 6 avril. L’histoire connaît un autre bal, le bal masqué de 1563, donné à l’occasion de la conclusion de la paix d’Amboise, le bal avec la participation de la Cour et des «officiers» de l’Escadron volant déguisés en paysannes.
Mais la plus fameuse de toutes les fêtes célébrées à Chenonceaux a été celle que Catherine de Médicis a offerte en 1577 à ses deux derniers fils, Henri III et le duc d’Anjou. Cette fois-ci c’était le bal travesti, divertissement devenu très en vogue à la Cour des Valois.
Les écrivains à Chenonceaux
Au XVIIIe siècle un certain Dupin est devenu maître du château qu’il a fait restaurer et où il travaillait assisté de son secrétaire Jean-Jacques Rousseau.
En 1804, dans la famille Dupin est née une fille que les parents ont nommée Aurore-Lucie et que nous connaissons sous le nom de Georges Sand. Beaucoup d’écrivains, entre lesquels Voltaire et Marivaux, visitaient le château et s’extasiait chaque fois à propos de cette visite. Combien de plumes pour un seul château!
Voilà à quel point l’histoire, l’art et la vie sont liés en France, partout comme dans un lieu précis de la province française.
Chenonceaux par Gustave Flaubert
«Je ne sais quoi d’une suavité singulière et d’une aristocratique sérénité transpire du château de Chenonceaux. Il est à quelque distance du village qui se tient à l’écart respectueusement. On le voit, au fond d’une grande allée d’arbres, entouré de bois, encastré dans un vaste parc à belles pelouses. Bâti sur l’eau, en l’air, il lève ses tourelles, ses cheminées carrées. Le Cher passe dessous, et murmure au bas de ses arches dont les arêtes pointues brisent le courant. C’est paisible et doux, élégant et robuste. Son calme n’a rien d’ennuyeux et sa mélancolie n’a pas d’amertume…
Tout cela est bien, a un bon air, sent son honnête vie de château, sa paresseuse et intelligente existence d’homme bien né. J’aime les propriétaires de Chenonceaux.
N’y a-t-il pas, d’ailleurs, partout de bons vieux portraits? On voudrait savoir si ces gens-là ont aimé comme nous et les différences qu’il y avait entre leurs passions et les nôtres. On voudrait que leurs lèvres s’ouvrissent pour nous dire les récits de leur cœur, tout ce qu’ils ont fait autrefois… Mais ils restent sourds aux questions de nos yeux, ils restent là, muets, immobiles dans leurs cadres de bois, nous passons…»