Le paysage architectural de Samara du XIX-ème siècle s’est formé grâce à la formule «rien n’est interdit» mais aussi aux talents de plusieurs architectes, parmi lesquels il y avaient des étrangers dont le Français De Rochefort était le plus connu.
Le comte Nicolas-Maximilien-Marie de Rochefort est né à Paris en 1846. A l’âge de 12 ans, il est venu en Russie qui était la patrie de sa mère.
En 1865, il termine la faculté des sciences naturelles à l’Université de Moscou et l’année suivante déjà, obtient son diplôme d’ingénieur ayant suivi en une seule année universitaire les cursus des 3 ans1 de l’Ecole Nikolaïevski2.
A partir de 1868, il est ingénieur et architecte au Ministère des Communications3 où il élabore des projets de grands bâtiments résidentiels et publics, des chemins de fer et des chaussées.
En décembre 1876, de Rochefort reçoit l’invitation de la Douma municipale de Samara de venir travailler à Samara en qualité de l’architecte en chef de la ville.
Pendant une année seulement qu’il vit à Samara, Nicolas de Rochefort fait trois grands projets architecturaux qui changent pour beaucoup la physionomie urbaine de notre ville provinciale. Difficile à dire ce qui domine dans son œuvre: le talent naturel, la culture française, l’éducation russe ou l’influence de l’éclectisme de l’architecture de Samara. Quoi qu’il en soit, les trois projets sont tout de suite admis et aimés des habitants de la ville.
Le premier et le plus important projet a été le bâtiment de la gare ferroviaire du style Renaissance qui a su survivre miraculeusement toutes les perturbations du XX-ème siècle et qui n’a cédé sa place à la nouvelle gare qu’il y a très peu comme devenu trop petit (mais non jamais archaïque !) pour une mégalopole4 comme Samara. Mais à l’époque, cette gare créée par de Rochefort a été la plus grande sur le chemin de fer Samara-Zlatooust concurrencée seulement par celle d’Orenbourg dont le projet a été élaboré d’ailleurs par le même architecte.
D’après son deuxième projet, sur la place de la gare a été érigée la chapelle de la Vierge d’Iversk dédiée5 à la délivrance de la famine due à la mauvaise récolte de 1873. La chapelle en construction a été consacrée6 par l’évêque de Samara Guérassime le 9 avril 1878, le jour du départ en Serbie d’un détachement de volontaires de Samara qui a rejoint le corps du général Tcherniavine défendant «les frères slaves».
Et enfin le dernier projet de l’architecte de Rochefort réalisé à Samara, a été le kursaal7 construit dans le jardin de Stroukov. Le pavillon en bois a été bâti sur les bases8 en pierre et comprenait une salle de spectacle, un restaurant, des cafés, un salon avec une cheminée et une salle de billard. L’intérieur du kursaal a été équipé des meubles de Vienne, les terrasses — des meubles en fonte. Nicolas de Rochefort a offert son projet à la ville de Samara, pourtant, d’après le devis9 de la construction effectué par l’architecte Marfine qui a succédé de Rochefort, ce projet a coûté 11800 roubles. La Douma municipale, de sa part, a remercié de Rochefort d’un cadeau (au prix de 50 roubles).
Après la période de Samara, de Rochefort a travaillé comme rédacteur dans la revue «Zodtchiï» (1878-1881) et a fait publier beaucoup de livres sur l’architecture. Théoricien et praticien de l’architecture, Nicolas de Rochefort a été membre de la Société des Architectes de Saint-Pétersbourg. C’est d’ailleurs à la capitale qu’il a réalisé le plus grand nombre de ses projets : le palais de la Grande Princesse Xénia Alexandrovna (106, quai de la Moïka), les serres des palmiers au Jardin des Plantes (2, rue du Professeur Popov), le bâtiment des laboratoires chimiques de l’Institut des Mines (6, Ligne 21) et d’autres.
D’après les informations recueillies par l’historien Gleb Aleksouchine
1 cursus des 3 ans — программа трех курсов;
2 Ecole Nikolaïevski — Николаевское Инженерное училище;
3 Ministère des Communications — министерство путей сообщений;
4 mégalopole (f) — мегаполис;
5 dédier à — посвящать;
6 consacrer — (зд.) освятить;
7 kursaal (m) — (нем.) курзал (помещение для собраний, концертов, прочего досуга);
8 bases (pl) — фундамент;
9 devis (m) — смета.